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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Des «jeûnes numériques» pour nos jeunes

Photo d’archives
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Photo portrait de Antoine Robitaille

Antoine Robitaille

2023-08-22T09:00:00Z
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Tout ne va pas mal dans le monde. Cet optimisme (c'est permis, non?) m'est venu en constatant qu'une grande majorité d'enseignants (92% des 7000 sondés par la FSE), de parents, sans compter certains élèves, appuie l'interdiction du cellulaire en classe. 

Dans l'excellent dossier, publié samedi, de ma collègue Daphnée Dion-Viens sur l'expulsion des téléphones omnipotents de nos classes, une phrase de l'élève Alexia m'a pratiquement ému: «On aime ça venir ici [dans la zone sans cellulaire d'une école de Warwick], ça fait changement [...]. On passe plus de temps avec nos amis à parler.»

Cet éloge de la conversation sans technologie, je le prends comme un salutaire exemple d'humanisme spontané.

La fin d'une phase

C'est signe que nous sortons enfin d'une autre de ces phases d'engouement technologique débilitantes. À chaque apparition d'une nouvelle technologie de communication, on croit qu'elle réglera tous les problèmes de l'école. Dans les 130 dernières années, on a successivement cru que le cinéma, puis la radio, puis la télévision, etc. allaient avoir cet effet. Avant de déchanter.

Depuis les années 1990, on a célébré immodérément l'internet, les tablettes, les tableaux blancs et (oui!) les cellulaires, car ils combinaient toutes les phases précédentes (cinéma, radio, télévision, encyclopédies, en y ajoutant l'interaction). Les NTIC, selon le jargon, allaient améliorer, «transformer les apprentissages».

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Mais comme le philosophe Jacques Dufresne l'écrivait déjà en 1999 dans Après l'homme, le cyborg (MultiMondes): «Il ne s’agit pas de savoir comment la technique peut sauver l’école, mais au contraire, comment l’école peut sauver l’homme (en l’occurrence l’enfant) de la technique.»

Pour lutter contre l'obésité, certains professionnels de la santé proposent des jeûnes intermittents. 

L'épidémie d'infobésité induite par les écrans omniprésents, qui dispersent les intelligences naturelles, devrait être traitée par des jeûnes apparentés, numériques ceux-là. Il faut débrancher l'école (au moins en partie, au moins par moment). Et l'interdiction du cellulaire va dans ce sens.

Une loi?

Plusieurs se tournent vers le gouvernement caquiste pour imiter l'Ontario où une réglementation a été adoptée. En mai, il avait malheureusement refusé d'appuyer une motion du Parti Québécois réclamant un «encadrement». Le PQ récidive: il parrainera cette fois une pétition soulignant les effets dommageables du cellulaire sur la concentration, les apprentissages, la santé et la sécurité des élèves.

Au cabinet du ministre Bernard Drainville, on dit évaluer «toutes les options». 

Bravo. Et on rappelle «que les conseils d'établissements ont déjà tous les pouvoirs [...] pour interdire le cellulaire dans les classes de leur école. Plusieurs le font déjà.» Il reste qu'une loi ou un règlement national aurait l'avantage de renforcer la légitimité des professeurs et établissements souhaitant bannir l'utilisation du cellulaire au moins durant les heures de classe.

La pétition parrainée par le PQ comprend des nuances bienvenues: les «dispositifs électroniques personnels pourront être utilisés à des fins éducatives et pédagogiques, sous la supervision des enseignants». 

De plus, «des exceptions pourront être prévues pour les élèves ayant des besoins spécifiques, avec l'accord préalable des enseignants et de la direction». Si c’est vraiment possible, pourquoi pas?

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