Des idées au ministre des Finances Eric Girard pour réduire le déficit


Michel Girard
En cette journée de mise à jour économique du ministre des Finances Eric Girard, voici ce que des chercheurs lui proposent pour combler ses déficits.
C’est tout un ménage dans les 312 mesures fiscales du régime d’imposition du gouvernement du Québec que proposent les deux spécialistes de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques (CFFP) de l’Université de Sherbrooke, le professeur fiscaliste Luc Godbout et sa collègue à la recherche Suzie St-Cerny.
Grosso modo, les deux chercheurs de la CFFP recommandent notamment d’éliminer plusieurs mesures fiscales devenues obsolètes à leurs yeux et de convertir un grand nombre de déductions en de simples crédits d’impôt non remboursables. Le but ultime de leurs propositions vise à réduire sensiblement la facture desdites mesures fiscales en vue de permettre au gouvernement provincial d’assainir les finances publiques.
Le ménage proposé par Godbout et St-Cerny s’inscrit dans le cadre de l’examen de l’ensemble des dépenses fiscales et budgétaires que le ministre des Finances Eric Girard a déclenché le printemps dernier dans le but de combler les écarts budgétaires en vue d’un retour à l’équilibre budgétaire au plus tard lors de l’exercice 2029-2030.
1. À combien s’élèvent les déficits de Québec?
Les immenses déficits dévoilés par le ministre Girard lors du dépôt de son dernier budget ont de quoi soulever des inquiétudes. Totalisant sur 5 ans près de 32 milliards $, voici les déficits prévus: 11 milliards $ en 2024-2025; 8,5 milliards $ en 2025-2026; 4,2 milliards $ en 2026-2027; 3,94 milliards $ en 2027-2028 et 3,94 milliards $ en 2028-2029.
2. Y a-t-il trop de dépenses fiscales inutiles?
Alors que le ministre Eric Girard proposait d’examiner 277 dépenses fiscales, les deux chercheurs de la CFFP ont augmenté le nombre à 312. Ils estiment que 35 autres mesures fiscales méritaient d’être évaluées.
Sur les 312 mesures fiscales:
- 5 mesures ont déjà été abolies en raison de leur caractère ponctuel comme les trois crédits versés précédemment pour le coût de la vie.
- 42 mesures ont déjà été révisées.
- 141 mesures seraient maintenues en raison des facteurs suivants: cohérence, compétitivité, obligation légale, atteinte de l’objectif.
- 124 mesures doivent être révisées en tout ou en partie en vue de les optimiser, de les simplifier ou de les transformer.
3. Faut-il faire le ménage dans plusieurs mesures fiscales?
Sur les 307 mesures fiscales encore en vigueur, il y en a 110 (plus du tiers) dont le gouvernement ne connaît même pas le nombre de bénéficiaires! Cela comprend 48 des 159 mesures portant sur l’impôt sur le revenu des particuliers; 4 des 18 mesures touchant l’impôt des particuliers et des sociétés; 27 des 78 mesures touchant l’impôt sur le revenu des sociétés; 2 mesures sur la taxe sur l’alcool; 2 mesures sur la taxe sur les primes d’assurance; 6 des 11 mesures sur la taxe sur les carburants; 21 des 34 mesures portant sur la TVQ.
Pire encore: sur ces 110 mesures fiscales dont le nombre de bénéficiaires est inconnu, il y en a 63 dont on ne connaît également pas le coût. Concernant à tout le moins les mesures qui affichent leur coût fiscal, on en évalue le coût total à environ 9,6 milliards $.
Par ailleurs, sur les 312 mesures fiscales répertoriées, Godbout et St-Cerny en ont dénombré 120 à usage restreint, c’est-à-dire des mesures touchant relativement peu de bénéficiaires. De ce nombre, 20 mesures seront abolies (pour 233 millions $); 9 mesures (33 millions $) sont assujetties à une date d’échéance; 23 mesures (coût fiscal de 40 millions $) pourraient être éliminées à des fins de simplification fiscale; 8 mesures, dont le coût fiscal total s’élève à 2,2 milliards $, ont été révisées à la baisse (ça comprend 6 crédits d’entreprises); 34 mesures (pour un coût de 444 millions $) sont susceptibles d’être révisées à la baisse; 26 mesures (pour 280 millions $) restent intouchées.
4. Québec devrait-il privilégier davantage de crédits d’impôt non remboursables?
Dans le dessein d’accroître la neutralité et l’équité du régime d’imposition québécois, Godbout et St-Cerny proposent de transformer la panoplie de déductions, d’exemptions, d’exonérations en crédits d’impôt.
Cela permettrait d’accorder à tous les contribuables le même crédit d’impôt, basé sur le taux d’imposition le plus faible, soit 14%. Ce qui donne 140$ par tranche de 1000$ de revenu imposable.
Un crédit d’impôt est fiscalement moins payant qu’une déduction dans le cas des contribuables gagnant un revenu imposable supérieur à 51 780$.
Québec pourrait ainsi économiser des centaines et des centaines de millions en convertissant les déductions en crédits d’impôt non remboursables.