Des Hells en veston cravate: les motards devenus des hommes d’affaires
Une évolution «drastique» des motards par rapport à l’époque de Maurice «Mom» Boucher, d’après la police
Félix Séguin et Eric Thibault
Les Hells Angels sont devenus des hommes d’affaires prospères et en plein contrôle du milieu criminel, comparativement aux guerriers sanguinaires épinglés il y a 20 ans dans l’opération Printemps 2001.
« Maintenant, on ne les trouve plus dans la rue mais dans des châteaux. Ce sont tous des hommes d’affaires bien habillés qui voyagent partout dans le monde et n’ont plus à se salir les mains autant qu’avant », constate l’inspecteur-chef Benoit Dubé, en entrevue avec notre Bureau d’enquête.

Le patron des enquêtes criminelles à la Sûreté du Québec (SQ) parle d’un « changement drastique » quand on lui demande de comparer l’actuelle bande de motards avec celle qui était dirigée par Maurice « Mom » Boucher.
« J’aimerais dire le contraire mais ils ont bien vieilli, concède l’inspecteur-chef Dubé. Présentement, les Hells dominent le crime organisé, tant au Québec qu’au Canada. Et ils le font sans aucun chef et sans s’afficher autant que dans le passé. »

Aucun groupe criminalisé n’ose maintenant rivaliser avec les Hells, qui se targuaient de « tuer la concurrence » à l’époque de la guerre des motards qui a fait plus de 160 morts et autant de blessés au Québec, dont une trentaine de victimes innocentes, entre 1994 et 2002.
« On les a frappés fort en 2001, puis encore en 2009 avec l’opération SharQc. Mais ils ne sont pas tombés. Ils se sont adaptés et ont appris de leurs erreurs », relate Benoit Dubé.
Façades légitimes
Tous les Hells ont maintenant « une job ou une entreprise légale, ils déclarent tous des revenus légitimes à l’État et paient tous des impôts », contrairement à Mom Boucher et d’autres motards rattrapés par le fisc après l’opération Printemps 2001, note le haut gradé de la SQ.
- Écoutez la chronique de Jean-Louis Fortin, directeur du Bureau d'enquête de Québecor
Entourés de comptables et de notaires, les 83 membres en règle des cinq chapitres québécois des Hells se retrouvent « un peu partout » dans le secteur privé de l’économie, recyclant l’argent provenant de leurs activités criminelles.
« En 2001, bien des Hells n’utilisaient pas de téléphone cellulaire ou ne savaient même pas c’était quoi. Aujourd’hui, ils possèdent des commerces où l’on vend des cellulaires et d’autres technologies », a imagé le spécialiste du crime organisé.
Comme la mafia
Ne manquez pas l’édition revue et augmentée du Livre noir des Hells Angels, qui raconte ce que sont devenus plusieurs criminels emprisonnés après l’opération Printemps 2001
Les Hells québécois ont maintenant des assises en Colombie, en Équateur et en République dominicaine pour faciliter les importations de cocaïne.
La distribution de coke et les taxes de 10 % que les Hells perçoivent des trafiquants dans tout le Québec sont dorénavant leur « vache à lait », avec les drogues de synthèse, parmi un éventail d’activités criminelles dont ils tirent profit.
En étendant ainsi leurs tentacules, « les Hells ont copié le modèle de Vito Rizzuto » alors qu’il était le parrain de la mafia montréalaise et que celle-ci dominait le milieu interlope de la métropole.
« Auparavant, les Italiens [de la mafia] regardaient les motards de haut mais maintenant, ils sont devenus des partenaires de travail des Hells », d’après Benoit Dubé.
Immunisés contre la COVID
De plus, les motards n’ont pas vraiment souffert de la pandémie, selon lui.
Grâce aux contacts que les Hells ont établis avec des narcotrafiquants à l’étranger, il n’y a eu aucune pénurie de coke à Montréal malgré la fermeture de la frontière canado-américaine. Les commandes en mode virtuel ont fait oublier les confinements et la fermeture des bars.
Ils ont toutefois « adapté le marché » à cette nouvelle réalité en haussant le prix du kilo de cocaïne de 40 % – jusqu’à 80 000 $ – bien que la demande des consommateurs pour cette drogue n’ait pas diminué, selon la police.
Depuis 2019, les escouades policières spécialisées dans la lutte au crime organisé ont privé les Hells et leurs partenaires de revenus considérables en leur saisissant plus de 2200 kilos de stupéfiants et en leur confisquant pour 10 millions $ en argent sale ou en biens infractionnels.
Frappes policières contre le crime organisé depuis deux ans
- 2077 arrestations dont 8 membres des Hells Angels et 15 membres de leurs clubs supporteurs
- Plus de 2200 kilos de coke de cannabis, de haschisch et de méthamphétamine saisis en deux ans
- 628 armes à feu saisies
- 2224 perquisitions dans des immeubles ou des véhicules
- 1,9 M de comprimés de méthamphétamine saisis
- Plus de 10 M$ saisis ou confisqués au profit de l’État en argent, en véhicules et en immeubles considérés comme des biens ayant servi à commettre des crimes ou des fruits de la criminalité
SOURCES : Statistiques provenant des opérations de l’Escouade nationale de lutte contre le crime organisé (ENRCO), des Escouades régionales mixtes de lutte au crime organisé (ERM) et de la Sûreté du Québec en 2019 et en 2020

Un ex-Nomads de retour parmi l’élite

Les Hells Angels du chapitre de Sherbrooke ont accueilli un revenant de la défunte section Nomads comme nouvelle recrue.
Donald « Pup » Stockford, qui avait fini de purger une peine de 15 ans de pénitencier infligée après son arrestation dans l’opération Printemps 2001, est discrètement devenu le sixième membre actif des Hells sherbrookois au cours de l’année 2020, a appris notre Bureau d’enquête.
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Un coup de filet inégalable

Vingt ans après l’opération Printemps 2001, on ne risque pas d’assister à une autre opération policière d’une telle ampleur, car tant les enquêteurs que la justice ont dû adapter leurs stratégies pour faire la lutte au crime organisé et aux Hells Angels.
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Les délateurs sont très importants pour la police

Les motards qui retournent leur veste pour devenir délateurs ont été cruciaux dans une enquête comme Printemps 2001, car ils possédaient des informations privilégiées permettant d’incriminer leurs anciens frères d’armes.
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Que sont devenus les Hells arrêtés?

Le 28 mars 2001, une rafle policière sans précédent frappe les Hells Angels. L’opération Printemps 2001 décapite leurs généraux du chapitre Nomads et leurs violents soldats du club-école les Rockers. Plusieurs écoperont de longues peines d’incarcération pour meurtre ou complot de meurtre, trafic de drogue et gangstérisme. Voici quelques faits d’armes de ces 24 motards, et ce qu’ils sont devenus.
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