Publicité
L'article provient de Le Journal de Montréal
Justice et faits divers

Les faux taxis guettent les clientes à la sortie des bars

Des patrons de bar appellent à la prudence

Partager

Zoé Arcand

2025-03-25T04:00:00Z
Partager

Les patrons d’un bar montréalais s’inquiètent de la forte présence de taxis illégaux qui abusent de leur clientèle et de leurs employés, plus vulnérables au petit matin.

«Mettre quelqu’un dans un taxi, ça a toujours été synonyme de sécurité. Mais avec les faux taxis, peut-être qu’on vient de mettre la personne encore plus en danger sans le savoir», s’inquiète Édouard Lefrançois, gérant du bar le Quai des brumes.

«On ne sait plus comment protéger notre clientèle», renchérit Julia Blais, la programmatrice de spectacles de cette institution de la rue Saint-Denis, au coin de Mont-Royal, un secteur surnommé le «Triangle des Bermudes» par les noctambules en raison de sa forte concentration d’établissements festifs.

Édouard Lefrançois, le gérant du Quai des brumes, et Julia Blais, la programmatrice de spectacles.
Édouard Lefrançois, le gérant du Quai des brumes, et Julia Blais, la programmatrice de spectacles. Photo Zoé Arcand

Pas de permis

Bon nombre de clients et d’employés des bars de ce coin ont été aux prises, dans la dernière année, avec des chauffeurs agressifs qui font des avances ou qui chargent «50$ pour une course qui devrait en coûter 25$», rapporte M. Lefrançois, 27 ans.

Ces «taxis fantômes» rôdent en ville impunément depuis la déréglementation de l’industrie en 2019, déplore le président-directeur général de Taxelco, Frédéric Prégent.

Affublés d’un dôme blanc «qui coûte 10$ sur Amazon», selon ce dernier, ils se massent aujourd’hui là où se trouvaient auparavant des chauffeurs embauchés par des compagnies dûment établies.

Publicité

Les faux taxis attendent des clients au coin des rues Saint-Denis et Mont-Royal.
Les faux taxis attendent des clients au coin des rues Saint-Denis et Mont-Royal. Photo Zoé Arcand

«Ces dômes-là, on ne les voit jamais le jour. Ils sont surtout là quand le monde est saoul et moins alerte», dénonce M. Lefrançois, qui appelle à la prudence.

Photo tirée du site d'Amazon
Photo tirée du site d'Amazon

Bien que certains soient des taxis indépendants légitimes munis d’un permis visible aux clients délivré par la Société de l’assurance automobile du Québec et d’un compteur, d’autres opèrent illégalement, sans permis.

Partout en ville

Ce n’est pas que sur Le Plateau-Mont-Royal que ces taxis illégaux posent des problèmes.

La situation est si grave que les programmateurs d’un festival hivernal de la métropole auraient demandé à M. Prégent de se déplacer pour aider à la gestion des taxis, rapporte-t-il.

«Là-bas, des chauffeurs sans permis m’ont carrément dit qu’ils étaient là pour abuser du monde, s’alarme le PDG. Ça prend des normes gouvernementales et surtout un appareil de contrôle parce qu’il n’y a pas assez de contrôleurs routiers.» Selon la loi, ce sont eux qui doivent assurer l’application des règles en matière de transport rémunéré de personnes par automobile. Les policiers peuvent aussi intervenir, mais le font peu. L’an dernier, par exemple, le Service de police de la Ville de Montréal a remis seulement 28 constats d’infraction en lien avec ce phénomène.

• Regardez aussi ce podcast vidéo tiré de l'émission d’Isabelle Maréchal, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :

Publicité

Taxelco, le plus grand répartiteur de taxis de la province, multiplie les représentations au ministère des Transports et de la Mobilité durable (MTMD) à ce sujet. Mais le roulement de personnel au cabinet de la ministre Geneviève Guilbault le force à «constamment recommencer les démarches», déplore M. Prégent.

«Le noyau des conseillers est resté le même et les dossiers suivent leur cours régulier», a toutefois répliqué le cabinet.

En danger à la sortie des bars

«Si tu ne voulais pas te faire violer, tu n’avais qu’à porter attention.»

Isabelle Claveau raconte avoir fait le saut lorsqu’un faux chauffeur de taxi lui a lancé cette phrase à glacer le sang en pleine nuit. La femme de 38 ans venait de lever le nez de son cellulaire et de se rendre compte que le type la conduisait à des kilomètres au nord de sa destination, sa résidence.

«J’ai commencé à capoter», relate Mme Claveau, qui rentrait chez elle après un quart de travail derrière le bar l’Escogriffe, en février dernier.

Le bar l'Escogriffe
Le bar l'Escogriffe Photo Zoé Arcand

Faisant preuve de vivacité d’esprit, celle qui est aussi sommelière a profité du fait que le véhicule ralentissait à une intersection pour déguerpir, même s’il était encore en marche. Le faux chauffeur refusait jusque-là de la laisser partir.

«C’est quoi, faut que je me téléporte pour retourner chez nous en sécurité?» se demande-t-elle, toujours en colère des semaines après cet incident.

Des histoires similaires

Quelques jours plus tard, la musicienne Éliane Viens-Synnott, 34 ans, a vécu une mésaventure similaire en sortant du même bar au petit matin.

Publicité
Photo Zoé Arcand
Photo Zoé Arcand

Elle venait de terminer une longue soirée de travail comme disc-jockey et elle avait bu. À l’instar de sa collègue, elle a hélé un taxi au hasard avec l’intention de rentrer chez elle.

«C’est quelque chose que j’ai fait 1000 fois», dit-elle. Mais cette fois, le chauffeur, qui n’avait pas de permis visible, lui a fait des avances, raconte-t-elle.

«Il m’a demandé si on pouvait se revoir et il faisait des commentaires sur mon corps, me disait que j’étais son genre», déplore la musicienne.

Mal à l’aise et effrayée, elle est sortie de la voiture alors qu’elle était arrêtée à un feu rouge. Alors qu’elle croyait avoir semé le chauffeur, elle l’a aperçu au loin, stationné devant son appartement.

Elle a avisé la police pour pouvoir rentrer chez elle saine et sauve, mais elle déplore que ces taxis aux dômes blancs rôdent toujours en ville, mettant en danger les usagers.

Julia Blais, la programmatrice de spectacles âgée de 41 ans du Quai des brumes, «trouve ça inquiétant d’entendre des histoires comme celle-là parce [qu’elle] prend un taxi à chaque soir de travail».

Pour reconnaître un taxi accrédité

  • Les chauffeurs affichent leur permis avec photo
  • Les tarifs sont visibles
  • Ils ont un taximètre (un compteur)
  • Le PDG de Taxelco recommande de faire affaire avec Téo Taxi, d’appeler une compagnie ou de commander un Uber
Vous avez un scoop à nous transmettre?

Vous avez des informations à nous communiquer à propos de cette histoire?

Écrivez-nous à l'adresse ou appelez-nous directement au 1 800-63SCOOP.

Publicité
Publicité