Des experts lancent au Canada une alerte contre la désinformation venant des États-Unis


Raphaël Pirro
Le temps est venu pour le Canada de se méfier des États-Unis comme il se méfie déjà de la Chine, de l’Inde et de la Russie. En manipulant l’information, Donald Trump fera tout pour affaiblir et diviser le Canada, selon des experts.
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Dans une lettre publiée jeudi dans le Globe & Mail, le professeur Rob Huebert lance une alerte: «Il existe désormais un risque réel que nous devions ajouter les États-Unis à notre liste d’adversaires en matière de désinformation».
En entrevue, le directeur du Centre d’études militaires, stratégiques et de sécurité de l’Université de Calgary ne cache pas son pessimisme.
«Ce serait idiot de penser qu’ils ne feront rien. On a à la fois une course à la chefferie [au Parti libéral] et une élection fédérale, alors que les États-Unis essayent déjà de nous faire du mal économiquement.»
La «guerre cognitive»
Pour arriver à leurs fins, nos voisins pourraient déployer ce qu’il convient d’appeler la «guerre cognitive», relate l’ancien cadre du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), Michel Juneau-Katsuya.
«L’idée de la guerre cognitive, c’est de submerger les réseaux d’informations ou les moyens d’information que les individus ont pour altérer leur analyse et altérer leur sens critique», dit-il au bout du fil.
Les gouvernements du monde «ont très peu de solutions pour faire face et affronter cette forme de guerre». «Il faut vraiment, vraiment se déniaiser sur ce plan-là.»
Les affirmations mensongères de Donald Trump sur le Canada, comme ses prétendues «subventions de 200 milliards $» accordées prétendument par les États-Unis (alors qu’il s’agit d’un déficit commercial), sont un indice que la guerre de désinformation est déjà entamée, analyse l’expert.
M. Huebert va plus loin. En employant leur puissance technologique et culturelle, les États-Unis pourraient polariser la population en se servant de thèmes clivants propres à la société canadienne, comme le transport de l’énergie ou les revendications autochtones, illustre-t-il.
«Un pays fortement polarisé et désorienté est moins apte à riposter efficacement», explique M. Huebert.
Le Canada, un État vassal?
Les États-Unis ont été entièrement écartés de l’étude de la commissaire Marie-Josée Hogue sur l’ingérence étrangère, publiée en janvier. Le document identifie cinq pays en ordre d’importance: la Chine, l’Inde, la Russie, le Pakistan et l’Iran.
Pour autant, la commissaire a lancé une longue mise en garde contre la désinformation: la «manipulation de l’information» est une «menace existentielle» pour la démocratie canadienne.
Les attaques de Donald Trump et de son entourage contre le Canada inquiètent de plus en plus. Avec le puissant Elon Musk à ses côtés, propriétaire de la plateforme X, il faut se préparer à la vague qui s’en vient, croit Rob Huebert.
L’expert en sécurité ne croit pas au scénario de l’annexion par les États-Unis. Ce serait trop fastidieux pour le système politique américain et dommageable pour les républicains.
«Il est plus probable que les États-Unis fassent du Canada un État vassal, comme l’avait fait la Chine impériale pour s’agrandir. Leur but serait que toutes nos décisions passent par Washington», dit-il, sonnant l’alerte.
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