Fermeture du Archambault sur la rue Berri: des employés tristes (mais muselés)
Le Journal a visité la boutique dont les jours sont comptés et recueilli les souvenirs d’artistes et d’ex-employés


Louis-Philippe Messier
À l’intérieur de Montréal, le journaliste Louis-Philippe Messier se déplace surtout à la course, son bureau dans son sac à dos, à l’affût de sujets et de gens fascinants. Il parle à tout le monde et s’intéresse à tous les milieux dans cette chronique urbaine.
Le magasin Archambault Musique Berri fermera en juin après plus de 120 ans d’existence, laissant des souvenirs impérissables aux artistes québécois et à ses employés.
Ces derniers ont la mine basse depuis l’annonce de la fermeture il y a presque deux semaines. Plusieurs perdront leur emploi.
Certains comptent des dizaines d’années d’expérience et ont sûrement des anecdotes à raconter sur des célébrités auxquelles ils ont vendu des instruments.
Je ne peux toutefois pas vous rapporter leurs histoires parce que le Groupe Archambault leur interdit de parler aux journalistes.
«Malheureusement, vous ne pouvez pas vous entretenir avec les employés», fut la réponse laconique de la directrice des communications.
«Depuis l’annonce de la fermeture, il y a une recrudescence de l’achalandage», me dit un employé (à qui je cache mon métier, car j’ai été obligé d’y aller incognito).
«Beaucoup de clients viennent ici et nous disent qu’ils sont tristes que nous fermions.»
Rien sur place n’indique la fermeture imminente. Pas d’écriteaux «Liquidation», probablement parce que l’invendu se retrouvera dans les 14 autres succursales Archambault qui, elles, demeurent ouvertes.

Joyau culturel
C’est en 1896 qu’un certain Edmond Archambault fonde sa boutique de vente de partitions. Ses affaires vont si bien que, une trentaine d’années plus tard, il fait ériger son propre édifice flambant neuf de style Art déco. Ce temple de la musique a aidé à consolider certaines vocations professionnelles.
«À 12 ans, je suis monté à l’étage des partitions, pour aller chercher mes livres d’exercices pour violon», se souvient la chanteuse Mara Tremblay.
«Je me sentais devenir indépendante et surtout, j’avais le sentiment d’appartenir à quelque chose de grand : la musique», me confie-t-elle.

Emblème
L’édifice Archambault à l’angle sud-est de Berri et Sainte-Catherine est tellement gravé dans l’imaginaire public que, lorsque le Groupe Archambault a cédé cet édifice en coin à Québecor, il a fallu condamner la porte principale en raison de la confusion.
«C’était un défilé incessant de gens qui entraient dans nos bureaux en se croyant chez Archambault!» se souvient en riant Dominic Plamondon, le directeur des opérations de QUB, dont les bureaux sont dans la bâtisse.
M. Plamondon me fait visiter une salle de réunion au 5e étage, d’où l’on voit la fameuse enseigne Archambault, coiffée d’une lyre, qui va demeurer accrochée là pour sa valeur patrimoniale, malgré la fermeture de la boutique à côté.
Amitiés inoubliables
Après l’annonce de la fermeture, un ancien employé a lancé le groupe Facebook privé « Archambault Berri / Ste-Catherine – La belle époque » auquel un demi-millier de membres adhéraient à peine 72 heures plus tard.
«J’ai publié des centaines de photos souvenirs de mes 15 années comme disquaire chez Archambault», me dit Martin Aubé.
«C’était un honneur de travailler là et il fallait vraiment connaître le genre musical dans lequel on se spécialisait parce que la clientèle était exigeante», dit M. Aubé.
Quelques dizaines d’ex-employés de tous les âges projettent une réunion d’anciens pour un verre ensemble et une dernière visite hommage à l’établissement, le 19 mai.
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