Des élus demandent de s’attaquer à la prise en charge
Un père en deuil de son fils a dû contacter une cinquantaine de psychologues


Pierre-Paul Biron
Les élus dénoncent en bloc la situation horrible vécue par Daniel Fortin, qui a dû contacter plus de 50 psychologues avant d’être pris en charge après le décès tragique de son fils. Les oppositions appellent le gouvernement à s’attaquer au problème de l’accessibilité.
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« Il faut absolument prendre en compte les critiques des intervenants pour remédier à la situation, que ce soit au niveau de la lourdeur administrative ou de la rémunération offerte », lance Alexandre Leduc, responsable de Québec solidaire en matière de justice, identifiant les deux irritants expliquant la diminution du nombre de psychologues prenant en charge des mandats d’indemnisation.
À l’heure actuelle, un psychologue reçoit 94 $ l’heure pour voir un patient « indemnisé de l’État », alors qu’il peut charger entre 120 $ et 180 $ l’heure en pratique privée. Et le tout vient avec des rapports et comptes rendus supplémentaires à fournir.
« On n’arrête pas de les écœurer », illustrait l’avocat Marc Bellemare, qui prend plusieurs mandats d’indemnisation.
« Il faut que ce soit une priorité de corriger la tarification si on veut régler une partie du problème », insiste David Birnbaum, critique en santé de l’opposition libérale. « Le témoignage de M. Fortin est à la fois déchirant et déplorable, il faut agir. »
Prise en charge rapide
De son côté, le député péquiste Joël Arseneau propose une prise en charge immédiate par un spécialiste reconnu dans les cas de tragédie, comme celle vécue par Daniel Fortin.
Rappelons que son fils Jackson, 14 ans, est mort en septembre dernier avec sa mère, sa demi-sœur et son grand-père, fauchés dans leur voiture par le chauffard ivre au volant Éric Légaré.
Le père en deuil insistant dans nos pages hier sur le fait qu’il aurait dû être pris en charge « dès le jour 1 ». Au contraire, il a dû patienter sept mois et contacter une cinquantaine de psychologues avant d’en trouver un.
« On doit considérer ce qui entoure ces tragédies comme des interventions d’urgence. Un peu comme si nous avions des paramédics de la santé mentale. On fait cette prise en charge urgente pour un arrêt cardiaque, alors que le danger est aussi présent dans ces cas-là, estime M. Arseneau. Il s’agit de sauver des vies, M. Fortin l’a bien expliqué. »
Et à plus long terme, il faudra aussi s’attaquer à la pénurie de psychologues, rappellent les oppositions. Selon le PQ, il en faudra 900 de plus d’ici les prochaines années pour répondre à la demande. « Il faut arrêter de dévaloriser la profession », soutient le député des Îles-de-la-Madeleine.
Le gouvernement «sensible» au problème
Appelé à réagir, le gouvernement s’est dit «très sensible» à la situation face à laquelle se trouve Daniel Fortin, offrant au passage ses condoléances au père en deuil.
Le cabinet du ministre de la Justice Simon Jolin-Barrette, en charge des indemnisations pour victimes d’actes criminels indique que la réforme de l’IVAC mise en place en octobre dernier permet d’adresser certains des enjeux problématiques.
«Nous avons notamment élargi la gamme de services offertsaux personnes victimes ainsi que l’étendu des professionnels pouvant les dispenser. En plus des psychologues, les personnes victimes ont accès à une plus large gamme de professionnels pouvant offrir des soins psychothérapeutiques», précise l’attachée de presse du ministre, ajoutant que des assouplissements au niveau administratifs ont également été apportés.
Les partis d’opposition s’indignent
« C’est déplorable de voir qu’il joint les 20 000 Québécois en attente d’une prise en charge. Où se trouve la CAQ devant ce que nous identifions depuis longtemps déjà comme une crise en santé mentale ? »
– David Birnbaum, porte-parole du Parti libéral en santé mentale
« C’est un cas qui n’est pas anecdotique. C’est l’illustration même de ce que plusieurs personnes vivent en silence au Québec. Ça démontre à quel point les gens, les victimes, peuvent être laissés à eux-mêmes. »
– Joël Arseneau, porte-parole du Parti Québécois en santé
« Il est important que les personnes condamnées bénéficient d’un accompagnement vers la réhabilitation, mais d’autre part, il est inacceptable que les victimes de leurs crimes soient laissées à elle-même. »
– Alexandre Leduc, porte-parole de Québec solidaire en matière de justice