Des dons de charité avantageux pour Véronique Cloutier, Pierre Fitzgibbon et Pierre Boivin
De généreux crédits d’impôt sur l’achat d’actions de compagnies minières permettent aux riches de faire un don de 50 000$ qui leur coûtera à peine 500$
Éric Yvan Lemay et Philippe Langlois
La Fondation de l’Institut de cardiologie de Montréal propose à ses plus riches donateurs de faire un don de 50 000 $ qui leur coûtera à peine 500 $ en multipliant les avantages fiscaux.
Sur son site web, la fondation vante les mérites du don d’actions accréditives de compagnies minières. Dans un document disponible en ligne, on explique comment faire un don avec un coût réel de seulement 1 % de sa valeur.
«Le don vous revient entre 1 % et 5 % de ce que vous avez investi, c’est ça qui est intéressant. Vous avez tellement d’avantages fiscaux que vous pouvez presque tout récupérer ensuite», dit la directrice conseil aux dons majeurs et planifiés, Mélissa Brinant, au représentant de notre Bureau d’enquête qui se faisait passer pour un client intéressé.

En octobre dernier, la Fondation s’est retrouvée dans les manchettes lorsque six ex-premiers ministres du Québec avaient critiqué la réforme du ministre de la Santé, Christian Dubé. On disait alors craindre pour la capacité de fondations comme celle de l’Institut de cardiologie de continuer à collecter des fonds.
Personnalités
La Fondation n’est pas la seule à mousser ce type de dons très avantageux au plan fiscal pour les gros donateurs, mais elle est celle qui promet le plus grand bénéfice.
Plusieurs personnalités utilisent régulièrement cette stratégie pour faire des dons, notamment auprès de la Fondation communautaire juive de Montréal, qui a recueilli environ 200 millions $ de cette façon.
Le don d’actions accréditives de minières a explosé dans la dernière décennie au pays. Elles avaient été mises en place pour stimuler la recherche dans des secteurs risqués comme l’industrie minière et pétrolière. En contrepartie, elles permettent de toucher un généreux crédit d’impôt.
Pour les riches
Pour pouvoir tirer profit de cet abri fiscal, il faut faire partie des contribuables qui gagnent le plus cher (salaire d’au moins 235 000 $), et donc qui paient le plus d’impôt.
«C’est quelque chose qu’on propose à nos plus grands donateurs», reconnaît Mélissa Brinant qui précise qu’il faut être en mesure d’allonger initialement jusqu’à trois fois la valeur du don pour retirer le maximum du fisc.
La Fondation de l’Institut de cardiologie a refusé de répondre à nos questions. Sa porte-parole nous a plutôt dirigés vers son site web et à des firmes qui jouent le rôle d’intermédiaires pour acheter et revendre les actions des donateurs comme WCPD et PearTree.
Grâce à ces intermédiaires, l’achat et la revente des actions se font en quelques jours à peine. De cette façon, on permet au donateur de bénéficier des avantages fiscaux liés à l’exploration minière sans risquer de perdre de l’argent (voir infographie).
Du côté de la Fondation du CHU de Québec, on laisse miroiter un don à un coût réel de 4,5 %.
«Ce coût réel nous vient d’une illustration fournie par les spécialistes en finance qui mettent en place la stratégie pour certains donateurs», dit Nabiha El-Hafi, conseillère aux communications de la fondation. Elle précise que ce type de dons est accepté depuis 2016, mais qu’il représente seulement une petite fraction de leurs collectes de fonds.

Facile et populaire
Des dizaines de généreux gens d’affaires, personnalités publiques, politiciens et même des entreprises ont fait des dons d’actions de compagnies minières dans les dernières années par le biais de la Fondation communautaire juive de Montréal (FCJM).
C’est le cas de l’animatrice Véronique Cloutier, du ministre Pierre Fitzgibbon ou encore de l’ancien dirigeant du site XXX Pornhub Feras Antoun (voir la vidéo ci-haut), selon des documents notariés consultés par notre Bureau d’enquête.
Même des entreprises comme le géant de l’immobilier Olymbec ou une garderie privée de Westmount ont fait ce type de dons fiscalement avantageux.
«Les promoteurs travaillent avec nous parce que c’est facile», dit Robert Kleinman, conseiller pour les successions et fiducies à la FCJM.
Revente rapide
Le risque est mineur pour eux puisque le système de don d’actions accréditives est rodé au quart de tour.
«Ils achètent les actions à 10 heures le matin et les revendent à 11 heures», dit-il en riant. Pour les donateurs, il s’agit donc d’un moyen efficace et presque sans risque de faire un don en bénéficiant des crédits d’impôt octroyés pour la recherche minière.
Dans certains cas, les dons sont ensuite redirigés vers d’autre fondation ou organismes communautaires.
La fondation a été l’une des premières au pays à accepter ce genre de dons.
«Il y a eu dans le Canada l’an passé, 320 millions $ de dons comme ça», dit Robert Kleinman.
L’intérêt pour certains minéraux critiques liés à la filière batterie a fait bondir la demande pour ce type de dons, selon lui.
Le conseiller explique que même si le gouvernement se prive d’impôts de gens riches, il s’agit d’une forme de financement pour le secteur minier.
«Au lieu de donner 100 millions $ à une compagnie minière, il fait tout ça avec ce système (d’avantages fiscaux pour les actions accréditives)», soutient-il.
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