Des distilleries veulent leur réseau de vente
Il serait complémentaire à celui de la Société des alcools, mais on est encore très loin de la coupe aux lèvres

Jean-Michel Genois Gagnon et Francis Halin
Des distilleries québécoises victimes des impacts du conflit de travail à la Société des alcools du Québec (SAQ) et des problèmes de distribution proposent de mettre sur pied un réseau complémentaire à celui de la société d’État pour vendre leurs spiritueux.
• À lire aussi: Microdistilleries: la grève à la SAQ et la majoration de 52 % menacent l’industrie
• À lire aussi: Les clients québécois se tournent vers la LCBO
• À lire aussi: Des tablettes vides jusqu’à Noël, les distilleries en détresse: à quoi s’attendre avec le conflit à la SAQ?
Cette idée a émergé lors d’une récente rencontre entre certains producteurs et l’Union québécoise des microdistilleries. Pour y parvenir, le gouvernement devra toutefois donner son aval et apporter des modifications aux lois.
Actuellement, les distilleries ne peuvent que vendre leurs propres produits entre leurs murs. L’objectif avec ce nouveau réseau serait d’offrir dans chaque distillerie des produits provenant d’autres fournisseurs. Le client aurait ainsi accès à d’autres points de vente pour les spiritueux que ceux de la SAQ.
« Nous sommes pris en otage. Il y a beaucoup de microdistilleries que la majorité de leur vente se fait durant la période des Fêtes », indique Hugo d’Astous, directeur général de Patates Dolbec et copropriétaire d’Ubald Distillerie, qui produit notamment une vodka (Route 363) à base de pommes de terre.
Selon lui, certaines compagnies sont « sur la corde raide » en raison de l’incertitude entourant l’approvisionnement des magasins de la SAQ pour la période des Fêtes, qui est le moment le plus achalandé de l’année
L’homme d’affaires aimerait d’ailleurs voir la société d’État prioriser encore davantage, ces prochaines semaines, les produits d’ici avant ceux des fournisseurs étrangers pour aider les entreprises québécoises touchées.
M. d’Astous est des patrons qui estiment que la création d’un autre réseau de vente pour spiritueux pourrait aider les plus petits joueurs qui dépendent des Fêtes et également assurer leur santé financière des prochaines années.
- Écoutez La Rencontre Daoust-Martineau avec Yves Daoust, directeur de la section Argent du journal de Montréal et du Journal de Québec, sur QUB radio :
Produits qui dorment
En raison des moyens de pression des dernières semaines des salariés d’entrepôt et de livraison de la SAQ, plusieurs produits québécois n’ont toujours pas abouti sur les tablettes des magasins à travers la province parce qu’ils sont coincés dans les entrepôts de Québec ou de Montréal.
Or, plusieurs producteurs de spiritueux craignent maintenant que ces retards aient des impacts sur leurs ventes et que cette situation se reflète sur les prochaines commandes de la SAQ qui pourrait prendre plus de temps avant d’arriver.
« Les dernières semaines n’ont pas été faciles, entre autres, avec la grève. Cela a entraîné des retards », concède au Journal Dave Ricard, président et fondateur de la Distillerie des Appalaches. « J’ai une vingtaine de palettes qui sont présentement immobilisées dans les entrepôts », s’inquiète-t-il.
Ce dernier, qui vend différents gins sous la bannière Kepler, fait partie des producteurs qui sont en faveur d’un réseau de vente complémentaire.
Pas à court terme
Joint par Le Journal, le président de l’Union québécoise des microdistilleries (UQMD), Jonathan Roy, a indiqué qu’il ne croit pas que ce projet soit possible à court terme en raison des modifications réglementaires nécessaires.
Il ne ferme toutefois pas la porte à analyser cette proposition, mais il dit chercher des solutions plus rapides à mettre en place. Il rappelle que pour de nombreux producteurs, la période des Fêtes leur permet de faire la moitié des ventes annuelles
« Pour certains membres, ça peut parfois rimer avec des centaines de milliers de pertes », explique celui qui doit rencontrer le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, aujourd’hui.
La SAQ ne commente pas
Pour sa part, la SAQ n’a pas voulu dire si elle était ouverte à l’idée que les distilleries québécoises puissent vendre des spiritueux provenant d’autres producteurs. Elle a renvoyé la balle au ministère des Finances ou au ministère de l’Économie.
« Oui, nous priorisons les distillateurs québécois », a assuré le porte-parole, Yann Langlais-Plante. « Nous avons aussi mis en place une distribution additionnelle pour les produits québécois afin qu’ils retrouvent exactement la même distribution – en nombre de succursales – qu’ils avaient avant les débrayages successifs des dernières semaines », a-t-il ajouté.
► La société d’État prévoit que 38 000 caisses d’alcool partiront à travers le réseau dans les jours à venir.