Des congés de loyer contre un permis pour faire du Airbnb
Dominique Cambron-Goulet
Un grand propriétaire de Montréal profite du flou dans la loi pour louer des logements étudiants sur Airbnb durant la période estivale.
Le Journal a découvert ce stratagème en scrutant une hôte Airbnb particulièrement active à Montréal: Hayley.
À la mi-juin, celle-ci affichait 17 annonces de «résidences principales» à louer, dans des immeubles appartenant tous à un seul propriétaire: Immobilier Yuliv.
Ce sont 14 étudiants différents qui ont effectué les demandes d’enregistrement auprès du ministère du Tourisme, en échange d’un congé de loyer.
«C’est [Yuliv] qui a proposé cette idée. Ils louent pour nous et on ne paie pas de loyer, jusqu’à ce qu’on revienne à la fin août», nous explique un locataire qui a requis l’anonymat puisqu’il a toujours un bail avec Yuliv.
Ses colocataires et lui ont dû vider leur logement de leurs effets personnels et les entreposer ailleurs.
- Écoutez les explications du journaliste Dominique Cambron-Goulet via QUB :
Les revenus au proprio
«On ne s’en cache pas, affirme le président de Yuliv, Ali Farasat. C’est une façon pour nous d’avoir un peu plus de loyers. Les étudiants partent presque tous durant l’été. C’est un bénéfice pour eux.»
Il admet tout de même que pour certains locataires qui ont obtenu le permis ne reviendront pas dans leur logement en septembre prochain, car leur bail «se termine le 31 août».
M. Farasat assure retirer «peu d’argent» de ces locations puisque l’hôte, qui est une entreprise de gestion, «prend 20%» des revenus. Il n’a pas voulu indiquer qui était l’entreprise derrière le profil de Hayley.
L’étudiant croit pour sa part que Yuliv doit retirer assurément plus de revenus avec la location Airbnb qu’avec un loyer régulier.
«Sinon, ils n’auraient aucune raison de nous proposer ça», affirme-t-il.
Il assure ne retirer aucun revenu des locations, bien qu’il s’agisse officiellement de sa «résidence principale».
Non conforme
M. Farasat juge qu’il n’y a rien «d’illégal» dans le fait de servir de facilitateur aux étudiants pour qu’ils puissent louer sur la plateforme.
«On est allé à la Ville avec les locataires et ils nous ont dit qu’il n’y a aucun problème parce qu’ils vivent là», assure-t-il.
Toutefois, l’élu responsable du dossier de l’habitation dans l’administration Plante, Benoit Dorais, n’est pas du même avis.
«Ce type d’affaires ne me semble pas du tout conforme à loi», avance-t-il.
L’élu rappelle que l’objectif du gouvernement du Québec en permettant de louer sa résidence principale est d’encourager l’«économie collaborative».
«Si une compagnie demande aux étudiants de demander des numéros de CITQ, pour que le propriétaire loue sur Airbnb. Vous n’êtes pas dans l’économie collaborative. Il y a quelqu’un qui est en train de faire une activité commerciale», croit M. Dorais.
La doctorante à l'université de Waterloo et spécialiste des locations court-terme Cloé St-Hilaire, rappelle que le recours à un tiers-parti pour gérer le ménage ou les réservations n'est pas directement encadré par la loi québécoise.
«Les lois c'est seulement que tu dois déclarer les revenus qui sont dérivés de ta location à court-terme», dit-elle.