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L'article provient de TVA Nouvelles
Société

Des bombes sur nos routes: des chauffeurs de camion mal formés et sous-payés font peur au Québec

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Francis Halin et Denis Therriault

2025-03-22T04:00:00Z
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Des milliers de «camionneurs au rabais», dont plusieurs sont originaires d’Asie du Sud-Est, sillonnent nos routes au volant de poids lourds. Souvent mal payés, peu formés et au volant de camions laissant parfois à désirer, ils posent un risque pour la sécurité routière, dénoncent des responsables de l’industrie.


Les Québécois croisent chaque jour sur nos routes de véritables bombes ambulantes. Ces chauffeurs au rabais sont souvent des immigrants mal formés, sous-payés, forcés de travailler dans des conditions difficiles au volant de camions en mauvais état.

«Le monde a peur. Les gens ont peur de dire la vérité», dénonce Christian Forcier, président de TCF Express, à Pierreville, qui a lui-même perdu de ses chauffeurs dans une violente collision.

«Notre sécurité est en jeu. C’est une main-d’œuvre prise en otage par un système», alerte Marc Cadieux, PDG de l’Association du camionnage du Québec (ACQ) qui estime qu’entre 8000 et 10 000 de ces camionneurs foulent nos routes.

«Ça me sidère que quelqu’un puisse avoir un permis aussi facilement et passer à travers le système sans formation ou avec une formation au rabais», estime Marc Cadieux, PDG de l’ACQ.
«Ça me sidère que quelqu’un puisse avoir un permis aussi facilement et passer à travers le système sans formation ou avec une formation au rabais», estime Marc Cadieux, PDG de l’ACQ. Photo Francis Halin

L'enquête menée par l’émission J.E et Le Journal lève le voile sur le phénomène inquiétant des chauffeurs au rabais, mieux connu sous le nom de chauffeurs inc au fil des nombreux témoignages recueillis..

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«Est-ce que ce sont des bombes sur la route? Force est d’admettre qu’il y en a», s’inquiète le vice-président de Transwest, Pascal Gaudet.

Depuis le 20 décembre dernier, il y a eu plus de 142 incidents ou collision concernant les chauffeurs au rabais qui ont nécessité l’intervention d’une dépanneuse poids lourd, selon l’Association des Professionnels du Dépannage du Québec (APDQ).

À VOIR à l’émission J.E vendredi soir 20h et dimanche 22h30 à TVA, en rediffusion samedi et dimanche 13h et 19h sur LCN.

À LIRE vendredi dans Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec.

«J’ai fait appel à “eux” trois fois. Ça a été chaque fois une histoire d’horreur», soupire Christian Forcier qui dit s’être fait passer des papiers d’assurance expirés l’an passé.

Christian Forcier n'en revenait pas de voir un chauffeur lui fournir des papiers d'assurance expirés.
Christian Forcier n'en revenait pas de voir un chauffeur lui fournir des papiers d'assurance expirés. Photo Francis Halin
Les chauffeurs inc.

«Eux», ce sont les chauffeurs au rabais, que l’on appelle les chauffeurs inc. ou simplement les inc. dans l’industrie du camionnage.

Les patrons des grandes entreprises de transport en veulent aux inc.

Ils disent que ces chauffeurs inc. sont en réalité des camionneurs indépendants qui ne possèdent pas de camion et qui s’incorporent seulement pour payer moins d’impôts.

Même si la pratique «n’est pas illégale», selon Revenu Québec, de grands noms du transport exigent une enquête publique sur ces camionneurs payés deux fois moins cher, qui viennent saigner leurs chiffres d’affaires (voir autre texte).

«Couper sur l’entretien»

Lors de notre passage au poste de Saint-Nicolas de Contrôle routier Québec (CRQ), un camionneur ontarien a été intercepté parce qu’il roulait avec des feux défectueux depuis 14 jours. Le propriétaire a eu une amende de 1000$ et le chauffeur de 500$.

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D’après Jonathan Beauvais, porte-parole de CRQ, la pression grandissante des livraisons rapides pousse les transporteurs à couper les coins ronds.

Jonathan Beauvais, porte-parole de Contrôle routier Québec (CRQ), a arrêté un camion lors du passage du Journal. Celui-ci n'avait visiblement pas fait sa ronde de sécurité avant de prendre le volant.
Jonathan Beauvais, porte-parole de Contrôle routier Québec (CRQ), a arrêté un camion lors du passage du Journal. Celui-ci n'avait visiblement pas fait sa ronde de sécurité avant de prendre le volant. Photo Francis Halin

Des rondes de vérification récentes ont révélé que les infractions concernant les heures de conduite étaient trois fois plus importantes (110) que les problèmes de permis de conduire (33).

«Certains transporteurs vont couper sur l’entretien mécanique pour faire des profits», observe M Beauvais, qui parle au nom des 330 contrôleurs québécois.

«Les véhicules lourds qui veulent être illégaux ont même des applications maintenant pour éviter les postes de contrôle», dénonce de son côté Jean-Claude Daignault, président de la Fraternité des constables du contrôle routier du Québec (FCCRQ).

Ce qu'ils ont dit

« Il y a des risques à laisser circuler ce genre de chauffeurs inexpérimentés sur nos réseaux routiers »

Marc Cadieux, PDG de l’Association du camionnage du Québec

- Marc Cadieux, PDG de l’Association du camionnage du Québec

Photo JDM


« On devrait bannir les entreprises de transport qui abusent de ces personnes-là [ces chauffeurs au rabais sous-payés] »

Benoit Therrien, camionneur et président du média TruckStop Québec

- Benoit Therrien, camionneur et président du média TruckStop Québec

Photo TruckStop Québec


« Pourquoi on ne se pose jamais la question quand il y a un accident: "c’est la marchandise de qui? Qui a voulu sauver 200$ en embauchant un Chauffeur Inc? »

Pascal Gaudet, VP de Transwest

- Pascal Gaudet, VP de Transwest

Photo JDM

5 chiffres clés

Chauffeurs Inc au Québec
Entre 8 000 et 10 000 (Ontariens et Québécois)

Pertes de revenus estimées
2 G$ (en 12 ans)

Prix du transport
De 20% à 50% moins cher

Nouveaux camionneurs* par année
5 800

Taux de réussite à l’examen
Théorique 32%


* Nouveaux titulaires de permis de classe 1 par année en moyenne / Source : ACQ et SAAQ

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