Des actrices «chanceuses» de pouvoir jouer à plus de 50 ans
Des comédiennes d’ici souhaitent voir plus de rôles écrits pour des femmes plus âgées


Sarah-Émilie Nault
« Nous, les actrices, pouvons tout jouer à partir du moment où nous le décidons », a déclaré récemment la star française Isabelle Adjani en dénonçant la discrimination basée sur l’âge dont sont victimes les actrices d'un certain âge. Au Québec, les comédiennes qui décrochent des rôles après 50 ans se considèrent « chanceuses » d’avoir été choisies.
À 70 ans, Louise Bombardier a tout un parcours de jeu derrière elle. Celle qu’on peut voir dans la série Le bonheur révèle que ce contrat ne l’occupe qu’un seul mois par année et qu’à partir de 50 ans, les actrices québécoises ne travaillent pratiquement plus, car elles sont oubliées.

Une télé reflet de la société
Ses rêves? Que la télévision québécoise soit le reflet de notre société; celle-ci étant composée d’une majorité de personnes âgées et actives. Que les producteurs et diffuseurs fassent preuve d’ouverture d’esprit en mettant en scène des aînés. Et qu’un personnage de vieux devienne, pourquoi pas, le rôle pivot d’une série autour de qui graviterait les autres personnages!
«Je voudrais voir une série humoristique avec des gens d’un certain âge qui sont actifs, vivants et qui ont des personnalités intéressantes. Jouer avec mes camarades de mon âge ou qui sont plus vieux, car il y en a plein et ils sont talentueux», explique celle qui fera paraître un second recueil de poésie, Brûler l’hiver, le 3 octobre prochain.
«Aux États-Unis, une série comme The Golden Girls met en scène de vieilles femmes qui ont du fun. Cela manque au Québec», ajoute l’interprète qui n’en peut plus des actrices de plus de 50 ans reléguées aux rôles de grand-mères ou de dames dépassées par la technologie.
Elle estime également que la qualité des quelques personnages offerts aux actrices de sa génération est un enjeu.

Loin de la révolution
Dans une récente entrevue, la Française Isabelle Adjani a déclaré que «l’avenir est là, il nous appartient, c’est à nous de ne pas nous laisser victimiser, enfermer et devenir notre propre ennemie» en parlant des actrices d’un certain âge.
Cela fait tiquer Louise Turcot qui considère qu’au Québec, il n’est pas culturellement accepté d’être aussi revendicateur qu’en France.
«Ici, cela ne donne rien de faire cela, c’est vraiment crier dans le désert. Notre public n’aimerait pas nous voir monter aux barricades», estime la comédienne qui aura 79 ans en octobre prochain.

L’artiste qu’on verra dans le prochain film de Léa Pool, Hôtel Silence a beaucoup réfléchi à la question de l’âgisme des femmes et croit que cet enjeu dépasse le cadre de son métier; qu’il s’agit d’un problème de société.
«On ne sait plus quoi faire avec nos vieux et la télé et le théâtre sont le reflet de la société en ce sens», déplore-t-elle.
Elle décrit son rôle de Madame Cécile dans le film-succès Le temps d’un été comme «un coup de chance», saluant au passage la vision de la scénariste, Marie Vien, qui s’est servie de son expérience de bénévolat pour écrire une œuvre aux nombreux personnages âgés.
Louise Turcot explique que de plus en plus de jeunes auteurs et réalisateurs ne savent pas qui sont les Louise Turcot, Louise Portal ou Marie Tifo de ce monde.
«Il ne faut pas les blâmer, ils écrivent pour leur génération», ajoute la comédienne qui fera une apparition éclair dans Testament de Denys Arcand et qui jouera la grand-mère dans la nouvelle version de Bach et bottine: Mademoiselle Bottine.

Un devoir de représentation
Quant à France Castel, à 79 ans, elle considère comme un devoir de représenter sa catégorie d’âge à la télévision.
Lorsqu’elle reçoit une demande et qu’elle se sent adéquate, elle s’engage à prendre sa place pour qu’enfin les gens de son âge soient représentés à l’écran.
«J’encourage les auteurs et cinéastes à ne pas avoir peur de représenter les femmes de mon âge. On n’a pas peur de le faire avec les hommes! De plus, on prend de l’expérience avec l’âge, on est capable d’incarner plusieurs choses», explique la comédienne qui tourne en ce moment la suite de la série Nuit blanche et qui sera du film Habiter la maison de Renée Beaulieu.

