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L'article provient de Le Journal de Montréal
Culture

Denys Arcand dit «fuck off»

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Photo portrait de Sophie Durocher

Sophie Durocher

2023-10-05T23:00:00Z
2023-10-06T01:40:43Z
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C’est quand même révélateur. Avant même qu’il ait pris l’affiche (le 5 octobre), le film de Denys Arcand, Testament, divisait, polarisait, et lançait des débats. On doit déjà applaudir Arcand qui a su faire un film qui n’est pas plate, pas consensuel, pas gnangnan, pas « bienveillant ». Mais on doit aussi l’applaudir parce qu’à Tout le monde en parle, il a lancé un retentissant, un libérateur, un puissant « Fuck off ! ». Oh. Mon. Dieu. Que. Ça. A. Fait. Du. Bien. 

Photo Agence QMI, Martin Alarie
Photo Agence QMI, Martin Alarie

TASSE-TOI, MONONCLE

Arcand est-il un mononcle dépassé qui fait de la peine aux petits lapins en riant du mot « autrice » ou un artiste pertinent et intemporel qui creuse son sillon et se fout des modes ? Depuis le visionnement de presse et la première médiatique, ça se déchire entre générations. On ne perçoit pas Testament de la même façon si on est une jeune tatouée au prénom composé, biberonnée aux cours d’Éthique et culture religieuse, ou si on est un pur produit du cours classique qui pleure encore le référendum volé de 1995. Mais qu’on soit un X, un Z, un baby-boomer ou un héritier de la Révolution tranquille qui allait bouquiner chez Henri Tranquille, on a pu trouver jouissif le coup de gueule de Denys Arcand dimanche soir. Contexte : le fils transgenre de Denys Arcand, Carter, fait une courte apparition dans Testament. Guy A Lepage demande donc à Arcand s'il a « consulté » son propre fils pour les scènes du film où il parle des personnes non binaires. « Non, moi je suis absolument opposé à ça. Je pense que la création, c’est quelque chose d’absolument personnel. C’est quelque chose qui vient du plus profond de soi. C’est comme avoir demandé à Shakespeare “Êtes-vous allé en Italie voir les Capulet et les Montaigu ? Est-ce qu’ils seraient d’accord avec votre interprétation de Roméo et Juliette ?” Fuck off ! » Puis il a continué : « Les consultations, c’est fait pour les gouvernements, c’est fait pour les syndicats, c’est fait pour les municipalités qui veulent savoir si on va fermer la voie Camilien-Houde. Ça, vous pouvez faire des consultations là-dessus. Mais pas sur l’écriture ! »

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  • Écoutez l'entrevue avec Rémy Girard, acteur à l’émission de Sophie Durocher via QUB radio :

Quelle magistrale leçon de création ! Oui, écrire un film, peindre une toile ou composer une toune, c’est un acte personnel. On n’a jamais vu un « comité » accoucher d’une œuvre d’art intéressante. Et je ne connais pas de « commission consultative » qui ait des éclairs de génie. L’art n’est pas fait pour être consensuel, pour flatter dans le sens du poil, pour réconforter. « Si vous voulez un ami, achetez-vous un chien », disait Gordon Gekko dans Wall Street. Si vous voulez du réconfort, achetez-vous un roman Harlequin ou écoutez de la musique d’ascenseur.

Oui, Denys Arcand fait une blague (ou plutôt une blaguette) sur les pronoms non binaires dans Testament. Mais n’appelez pas le Conseil consultatif tripartite de défense de la ligue des Ni Lui Ni Elle de l’Est-du-Québec. Il n’y a aucune malice dans cette blaguette inoffensive. 

PU CAPAB

Hier, j’entendais à Radio-Pravda une chroniqueuse culturelle traiter Denys Arcand de « réactionnaire » et qualifier Testament de film carrément « irresponsable », « qui donne des munitions à ceux qui font des raccourcis intellectuels ». J’avais juste envie de lui dire : « Fuck off ! »

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