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L'article provient de Le Journal de Montréal
Culture

Denise Bombardier, un an plus tard

Photo d'archives, Agence QMI
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Photo portrait de Sophie Durocher

Sophie Durocher

2024-07-05T04:00:00Z
2024-07-05T04:20:00Z
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Récemment je suis allée, avec mes amies Lucie et Sylvie, porter des fleurs au petit cimetière des Cantons-de-l’Est où Denise Bombardier est enterrée. Il n’y a pas encore de pierre tombale à son nom: c’est bien la première fois de sa vie que mon amie Denise se fait discrète. 

Il y a un an hier, Denise est morte. Elle qui était si pleine de vie.

En me recueillant à l’ombre de ces si beaux arbres, j’ai pensé à quel point l’héritage de Denise était imposant. À quel point elle nous manque, elle me manque.

NOIR SUR BLANC

Il n’y a pas une semaine qui passe sans que vous, les lecteurs de ce Journal qu’elle aimait tant, me parliez d’elle. On aurait aimé la lire sur la laideur de Montréal, les enjeux des élections françaises, l’ignorance des militants anti-Israël ou la bêtise des catégories non genrées aux Gémeaux (qui ont heureusement changé d’avis pour le prochain gala).

Au moment où deux candidats américains de 78 et 81 ans s’affrontent pour savoir lequel est le plus diminué, je ne peux m’empêcher de penser à quel point Denise, à 82 ans, avait toute sa tête!

Hier, la Société Radio-Canada a remis en ligne «Les grandes entrevues de Denise Bombardier» qu’elle avait sorties des archives il y a un an. Heureusement, le vocabulaire est élogieux : «Comme intervieweuse, cette femme érudite a pu se frotter aux intellectuels majeurs de son époque, aux grands auteurs ainsi qu’aux personnalités politiques qui faisaient l’actualité».

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J’ai écouté ces entrevues hier, épatée par la qualité d’écoute de Denise (une qualité qui se perd) et par son érudition. Elle parle de crise du pétrole avec Raymond Aron et de constitution avec Pierre Elliott Trudeau avec la même aisance. J’ai été surtout interpellée par les deux entrevues littéraires que Radio-Canada a rediffusées.

Denise consacre une demi-heure à une entrevue avec l’auteur italien Alberto Moravia. Leur discussion à bâtons rompus sur le mystère de la foi et le rôle de l’écrivain est absolument passionnante.

Et dans une entrevue de 1982, de l’émission Noir sur blanc, Denise discute avec l’écrivaine Marie-Claire Blais. «Peu de gens s’intéressent à l’art, et à l’écriture encore moins», lui dit Blais, cachée derrière sa frange de cheveux.

Deux chaises, une table, deux invités. Vous imaginez ça, aujourd’hui, une entrevue sans bling-bling, sans rires forcés, sans public, sans mise en scène? Des gens qui écrivent des livres se font poser des questions qui portent sur leurs livres par une intervieweuse qui a lu leurs livres?

LA CULTURE AVEC UN PETIT C

Drôle de hasard, cette semaine Radio-Canada a annoncé l’arrivée prochaine de Livre ouvert, animé par Mariana Mazza. Parmi les questions qui seront abordées dans ce «magazine littéraire»: «Qu’est-ce qui se retrouve dans la bibliothèque de France D’Amour? Ou de Lydia Bouchard? Pourquoi on s’endort quand on lit? Est-ce que les livres d’horreur influencent les psychopathes? Qu’est-ce qu’un prisonnier a le droit de lire? Qu’est-ce qui attire les enfants vers une couverture de livre?»

J’imagine déjà la chronique enflammée que Denise aurait écrite sur ce que la littérature est devenue à Radio-Canada!

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