Délais judiciaires: des procès pour meurtres en péril si rien ne bouge
Le manque de ressources est important et cause d’importants délais, s’inquiètent de hauts responsables de la justice


Michael Nguyen
Des procès pour meurtres et d’autres crimes graves seront en péril d’ici l’an prochain si rien n’est fait pour pallier le manque de ressources dans le système judiciaire, a prévenu la juge en chef de la Cour supérieure du Québec, lors d’une allocution ce jeudi.
«À toujours faire plus avec moins, nous finirons par arriver au point que malgré tous les efforts [...], nous ne pourrons plus écarter la possibilité d’arrêts des procédures en 2023-2024», s’est alarmée Marie-Anne Paquette.
La juge en chef s’exprimait dans le cadre de la rentrée judiciaire à Montréal, où les plus grands acteurs du système judiciaire font état de la situation. Et encore cette année, la question des délais a pris une grande place dans les discours.
«La justice civile et criminelle continue de nous inquiéter, a pour sa part affirmé Manon Savard, la juge en chef de la Cour d’appel du Québec. Le traitement des litiges, pour plusieurs, s’étire en longueur sur des délais qui dépassent parfois l’entendement.»

Prix à payer
Ainsi, dans des procès civils ou familiaux, des gens peuvent attendre jusqu’à deux ans avant de pouvoir aller à procès. Entre-temps, des mesures d’urgence sont prises, sauf qu’elles grugent du temps de cour, allongeant davantage les temps d’attente.
«La société paie un très fort prix pour les délais», a prévenu la juge en chef Marie-Anne Paquette.
Et l’inquiétude est d’autant plus grande au criminel, d’autant plus que la Cour supérieure juge les pires crimes, dont les meurtres. Sauf que dans ces dossiers, il y a une limite de temps: si l’accusé n’est pas jugé en 30 mois, sauf exception, un arrêt des procédures doit être ordonné.
- Écoutez l'entrevue avec ___ à l’émission de Yasmine Abdelfadel via QUB radio :
Manque de personnel
Si la justice en est rendue à ce point, c’est entre autres parce qu’il manque de juges, selon la juge en chef Paquette, qui a appelé le fédéral à procéder à des nominations.
La députée fédérale de Saint-Léonard–Saint-Michel, Patricia Lattanzio, qui était présente dans la salle, a de son côté parlé de racisme systémique et de surreprésentation des Autochtones en prison.
Mais le problème majeur qui cause des délais est le manque de personnel de soutien. C’est qu’en raison de leurs salaires très peu compétitifs, non seulement il est difficile de trouver des candidats, mais il est encore plus dur de les garder.
«Ils travaillent dans l’ombre et sont essentiels au bon fonctionnement du système de justice, a dit la juge en chef de la Cour d’appel. Sans eux, le processus n’aurait simplement pas lieu.»

Or, leur situation salariale «précaire» a fragilisé le système, a-t-elle ajouté, en affirmant qu’un «salaire concurrentiel» était incontournable pour que la justice puisse aller bon train.
Dans une allocution préenregistrée, le ministre de la Justice du Québec, Simon Jolin-Barrette, s’est dit conscient du problème, disant travailler «sans relâche» sur le «défi de rétention et d’attraction de la main-d’œuvre».
«Nous sommes bien conscients [de l’enjeu des salaires]», a déclaré le ministre en vantant le fait que le gouvernement avait augmenté les budgets de la justice de 30% depuis 2018.
- Écoutez la rencontre Dutrizac – Dumont diffusée chaque jour en direct 7 h 05 via QUB radio :
Ce que les juges en chef ont dit :
« L’heure est grave mais je garde espoir que le gouvernement trouvera les voies de passage. » - La juge en chef de la Cour supérieure du Québec Marie-Anne Paquette
« La société paye un prix très fort pour ces délais. »
- La juge en chef de la Cour supérieure du Québec Marie-Anne Paquette
« [En raison des délais] certains renoncent même à obtenir justice devant les tribunaux ou décident d’agir seuls, faute de moyens financiers suffisants. »
« La situation demeure précaire, fort précaire. »
-La juge en chef de la Cour d’appel du Québec Manon Savard
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