Publicité
L'article provient de Bureau d'enquête

Délais de réponse aux appels urgents: les policiers de Québec plus lents qu’ailleurs

Le SPVQ est loin d’avoir les meilleurs délais d’intervention, contrairement à ce qu’avait affirmé son directeur

Partager

Marie Christine Trottier

2024-10-03T04:00:00Z
Partager

Contrairement à ce qu’a soutenu son directeur, le Service de police de la Ville de Québec est loin de se classer «parmi les meilleurs délais» de réponse aux appels d’urgence et met en moyenne deux fois plus de temps que d’autres corps policiers avant d’arriver sur place.

En 2022, les patrouilleurs de la capitale ont laissé passer en moyenne 10 minutes 23 secondes entre un appel urgent au 911 et leur arrivée sur les lieux. À titre de comparaison, leurs camarades de Gatineau affichaient pour la même année des délais moyens de 4 minutes 10 secondes, alors que ceux de Terrebonne se situent à 4 minutes 51 secondes.

Le Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) termine ainsi en queue de peloton (11e position) d’une compilation de notre Bureau d’enquête, grâce à des données obtenues via l'accès à l’information (voir encadré ci-dessous).

«Les délais de réponse moyens au SPVQ ne sont pas dignes d’un service de police desservant plus de 500 000 habitants. C’est tout simplement inacceptable», a réagi Martine Fortier, présidente de la Fraternité des policiers de la Ville de Québec, qui s’est dit «choquée» mais «nullement surprise» de ces résultats.

La présidente de la Fraternité des policiers de la Ville de Québec, Martine Fortier
La présidente de la Fraternité des policiers de la Ville de Québec, Martine Fortier Photo d'archives Didier Debusschère
Deux ans de délais

La police de Québec s’est montrée extrêmement réfractaire à nous fournir ses données, qui n’ont été révélées finalement qu’au début du mois dernier, soit près de deux ans après notre requête initiale (voir autre texte ci-dessous).

Publicité

Nos demandes découlaient pourtant d’une déclaration effectuée par le directeur de la police de Québec lui-même. En novembre 2022, Denis Turcotte affirmait – sans chiffre à l’appui – que son service avait parmi les meilleurs délais de réponse aux appels d’urgence de tout le Québec. 

Le directeur du Service de police de la Ville de Québec, Denis Turcotte.
Le directeur du Service de police de la Ville de Québec, Denis Turcotte. Photo Jean-Luc Lavallée

Le directeur réagissait alors aux préoccupations évoquées par la Fraternité des policiers de la Ville de Québec. Dans une lettre coup de poing obtenue par notre Bureau d’enquête, la présidente soutenait que le manque d’effectifs policiers et la fermeture des postes de quartiers en 2020 avaient allongé les délais de réponse aux appels au 911, principalement dans les banlieues.

Ce cri du cœur avait été lancé dans la foulée du meurtre de Jacques Côté, un homme de 65 ans assassiné quelques mois plus tôt par son voisin en crise, dans La Haute-Saint-Charles. Il avait fallu près de 13 minutes aux patrouilleurs pour se rendre sur place, dénonçait la Fraternité. Cette affaire fera d’ailleurs l’objet d’une enquête publique du coroner, à partir de lundi.

«Faute de nous avoir écoutés en temps opportun, espérons maintenant que nos dirigeants feront leur mea culpa et mettront rapidement en place les correctifs nécessaires pour remédier à la situation actuellement vécue à la ville de Québec, et ce, avant qu’elle ne dégénère davantage», a déclaré la présidente Martine Fortier.

Le SPVQ se défend... mais veut faire mieux

Le SVPQ a indiqué qu’il était «très hasardeux de comparer ce type de données entre les divers services de police» notamment à cause des différences de densité de population, du nombre d’appels, de la façon dont sont traitées les données, des types de territoires couverts ou de la façon dont les services de police classent les appels les plus urgents.

Publicité

Par exemple, si un service de police classe «urgent» les appels concernant les tentatives de suicide, comme il est le cas pour le SPVQ, cela a pour effet d’augmenter considérablement les délais de réponse, vu la complexité de ce type de dossiers, expose Marie-Claude Brousseau, directrice des communications pour la police de Québec.

Elle ajoute toutefois que «le SPVQ travaille toujours selon une vision d’amélioration continue» et planche «actuellement sur divers scénarios afin d’optimiser» leur temps de réponse. 

– Avec Kathryne Lamontagne

Deux ans à se battre pour obtenir les données

La police de Québec a mis près de deux ans avant de finalement accepter de dévoiler les délais d’interventions prioritaires sur son territoire alors que d’autres corps policiers ont tout simplement refusé de le faire.

Notre Bureau d’enquête a envoyé des demandes d’accès à l’information sur le sujet à la quasi-totalité des corps policiers du Québec à l’automne 2022.

Ces données auraient permis de vérifier si le Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) agissait réellement dans les meilleurs délais.

En vertu de la loi, les corps policiers ont un maximum de 30 jours pour donner suite à nos requêtes. Or, le SPVQ a mis trois mois avant de nous répondre que les informations ne pouvaient être transmises pour des raisons de sécurité.

Notre Bureau d’enquête a contesté cette décision et un processus de médiation avec le SPVQ a été entamé par la Commission d’accès à l’information.

Il a fallu attendre jusqu’à l’été 2024 pour que le SPVQ accepte finalement de dévoiler ses données. Plusieurs délais et reports plus tard, nous obtenons... les délais de réponse médians! Ces données, bien qu’intéressantes, n’auraient toutefois pas pu être comparées avec les moyennes que nous avions obtenues ailleurs au Québec.

Publicité

Finalement, nous avons reçu à la fin septembre les délais moyens demandés.

Pas plus transparent ailleurs

La transparence des autres services de police a énormément varié. Un peu moins que la moitié d’entre eux seulement a transmis leurs délais moyens (voir tableau ci-dessous).

Quatre services de police ont notamment invoqué les mêmes arguments de sécurité que le SPVQ pour garder confidentielles leurs données alors que six autres ont refusé de donner suite à nos requêtes en soutenant que les informations demandées n’existaient pas ou que leurs systèmes ne permettaient pas de les extraire. 

D’ailleurs, le ministère de la Sécurité publique ne collecte aucune donnée sur la rapidité d’intervention des patrouilleurs dans les corps de police de la province.

Temps de réponse moyen des services de police aux appels les plus urgents en 2022

  • Gatineau: 4 minutes, 10 secondes
  • Terrebonne: 4 minutes, 51 secondes
  • Granby: 5 minutes, 59 secondes
  • Montréal: 6 minutes, 10 secondes
  • Mercier: 6 minutes, 35 secondes
  • Repentigny: 6 minutes, 50 secondes
  • Magog: 7 minutes, 5 secondes
  • Laval: 8 minutes, 39 secondes
  • Saguenay: 9 minutes, 40 secondes
  • Mascouche: 10 minutes, 5 secondes
  • Québec: 10 minutes, 23 secondes
  • L’Assomption: 13 minutes, 22 secondes
  • Châteauguay: 13 minutes, 45 secondes 

*Châteauguay inclut l'arrivée en second lieu d'autres services comme les pompiers, ambulanciers ou du renfort policier

Vous avez un scoop à nous transmettre?

Vous avez des informations à nous communiquer à propos de cette histoire?

Écrivez-nous à l'adresse ou appelez-nous directement au 1 800-63SCOOP.

Publicité
Publicité