Déjouer le code des cruautés

Josée Boileau
Avec son nouveau roman, Steve Laflamme suit la veine du thriller à code secret qu’il avait brillamment développé dans Les Agneaux de l’aube. On frémit encore, tout en réfléchissant.
Guillaume Volta, enquêteur à la Sûreté du Québec, et la professeure de littérature Frédérique Santinelli sont sortis profondément écorchés de leurs dernières aventures. Au point d’ailleurs qu’il vaut mieux avoir lu celles-ci tant Vingt-trois jours de haine y multiplie les références.
Un an et demi plus tard, ils vont être à nouveau plongés dans une histoire d’horreur à nulle autre pareille.
Un inconnu a déposé un curieux colis à la porte de Santinelli : un livre artisanal titré Le calendrier de Tityos. Il est composé de 23 récits décrivant différentes manières de tuer une femme sous la torture. La professeure est rebutée... et le lecteur craint de l’être aussi !
Heureusement, Steve Laflamme n’exploite pas les détails du calendrier. Il s’en sert plutôt pour dénoncer la violence conjugale, véritable thème de son roman.
Santinelli a vite repéré que ce calendrier est truffé d’indices liés à la très médiatisée disparition de Caroline Généreux, survenue deux ans plus tôt. Est-ce que cela signifie qu’on pourrait la retrouver ?
Elle contacte donc son ami Volta pour le mettre sur la piste – en commençant par l’aider à identifier qui a signé l’ouvrage. Cet auteur fait preuve d’une solide érudition : les références à la mythologie grecque sont multiples et chaque récit se termine par une sentence dont il faut décortiquer le sens.
On apprendra vite de qui il s’agit, ce qui n’ira pas sans surprise.
Et il ne fait pas qu’écrire ! Le lecteur le voit à l’œuvre pendant que les policiers le cherchent. Il a mis au point un plan machiavélique afin d’amener dans un même lieu les hommes qui s’en sont pris à Caroline Généreux, puis les laisser s’entretuer.
Des démons qui ressurgissent
Bien sûr, Volta et Santinelli finiront par débusquer les abominations que recouvrent les scénarios élaborés par ce vengeur discret... et pas si net. Mais chemin faisant, ils seront confrontés à leurs propres démons.
Des pans du passé de Santinelli seront notamment dévoilés. Dans Les Agneaux de l’aube, on avait su qu’à 18 ans, elle avait subi un traitement qui avait effacé sa mémoire. Vingt ans plus tard, des gens ont toujours intérêt à ce qu’elle ne la retrouve pas.
Elle finit pourtant par apprendre que cela est en lien avec des violences médicales imposées aux femmes autochtones. Même avec cette intrigue parallèle, Steve Laflamme garde donc le cap : son dur polar a des assises sociales assumées.
Il est par ailleurs intéressant que le questionnement sur la violence conjugale soit porté par l’enquêteur Volta. Son couple bat de l’aile, alors que son enquête l’oblige à s’interroger sur le point de bascule qui entraîne des hommes vers la haine quand rien ne va plus avec leur conjointe.
Cela donne un roman intense de cruauté, de réflexions... et de métaphores ! Steve Laflamme a bel et bien une signature.