Déficits répétés et mauvaise gestion: «La première chose qui devrait changer, c’est la direction de Postes Canada!», clame un facteur

Yannick Beaudoin
La réforme de Postes Canada annoncée jeudi par le ministre Joël Lightbound est une attaque frontale au processus de négociation, estime un facteur montréalais.
• À lire aussi: Fin de la livraison à domicile, délais plus longs: Ottawa annonce un énorme coup de barre à Postes Canada
• À lire aussi: Réforme de Postes Canada: la FADOQ veut protéger la livraison à domicile pour les aînés
• À lire aussi: «Le syndicat est extrêmement tanné»: les employés de Postes Canada déclenchent une grève générale
«Ça fait quand même des mois que Postes Canada, au lieu d’essayer de créer de la stabilité au niveau des communications avec la clientèle, ne fait que marteler les risques de grève, alors que le syndicat est à la table de négociation avec eux», a déclaré le postier Pat Bélisle, en entrevue à l’émission de Mario Dumont à QUB radio et télé, diffusée simultanément sur les ondes du 99,5 FM à Montréal.
Ce dernier a par ailleurs accusé Postes Canada d’envoyer les clients chez Purolator, qui est détenue majoritairement par la Société canadienne des postes.
«Quand Postes Canada nous dit qu’il y a la poche gauche qui est vide, bien, il oublie que la droite est en train de fendre», a déclaré Pat Bélisle.
«Les mêmes représentants vont dire aux commerçants: “C’est très instable chez Postes Canada” et “On vous offre 65% de rabais chez Purolator”», a-t-il ajouté.
• Sur le même sujet, écoutez cet épisode balado tiré de l'émission de Mario Dumont, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
Problème de gestion
Le facteur montréalais est d’avis que «la survie du service postal au Canada est en jeu». Le syndicat n’est pas opposé à tout changement, mais la réforme ne doit pas seulement être faite en fonction de la vision de la société d’État, soutient M. Bélisle.
Ce dernier rappelle qu’un sondage Angus Reid publié en juin dernier a révélé que la majorité des Canadiens sont prêts à payer davantage pour garder «un service postal qui leur ressemble».
«Dans la dernière contre-offre du syndicat, on trouvait une solution qui ne coûtait pas plus cher à Postes Canada, qui garantissait des emplois à temps plein», souligne Pat Bélisle.
Celui-ci estime que la réforme la plus nécessaire est au niveau de la gestion de la société d’État.
«Ce changement qui est nécessaire doit se faire à tous les paliers. Ça fait depuis que Doug Ettinger est en poste que Postes Canada fait déficit par-dessus déficit. Et on a une gestion qui est incroyable! Pour chaque [tranche de] quatre facteurs, il y a un employé de bureau. La gestion est extrêmement lourde. Il y a de mauvais choix d’orientation qui ont été faits chez Postes Canada», mentionne le facteur.
«C’est mal géré. Après ça, on s’en vient puis on dit: “Ah, le problème, ce sont les conditions des employés.” Si les conditions des employés étaient si problématiques que ça, ça fait qu’on a un taux de rétention que pour 10 employés qu’on engage, on en garde un», argumente M. Bélisle.
Depuis 2018, Postes Canada a accumulé des pertes de plus de 5 milliards de dollars. Un déficit supplémentaire d’environ 1,5 G$ est anticipé pour l’année 2025, avec des coûts d’exploitation de 10 M$ par jour.
«Comment ça se fait que dans ce contexte-là, la gestion de Postes Canada, c’est de distribuer des bonus de performance?» s’interroge Pat Bélisle.
«Ce que je trouve vraiment déplorable, c’est qu’on dit aux petits travailleurs: “Ce sont vos conditions de travail qui sont le problème de Postes Canada, votre manque de flexibilité”», ajoute-t-il.
Ce dernier ne croit pas que le syndicat soit déconnecté de la réalité du milieu, comme l’affirment certains commentateurs ainsi que des dirigeants de la société d’État.
«Postes Canada ne se rend pas compte qu’une des réalités du milieu, c’est la convention collective de ses employés. Puis, il y a moyen de faire progresser Postes Canada sans le faire au détriment des conditions de travail de ses employés, puis que travailler chez Postes Canada soit encore un emploi, une carrière souhaitable pour les gens. Parce que ce n’est pas ça qui est en train de se passer», soutient le postier montréalais.
La partie patronale fait preuve d’arrogance, affirme M. Bélisle.
«Le syndicat voit d’un très bon œil des changements à Postes Canada, mais la première chose qui devrait changer, c’est la direction de Postes Canada. Comment est-ce qu’on peut dire aujourd’hui que M. Ettinger a encore la crédibilité pour diriger Postes Canada, alors que son arrivée à la tête de Posts Canada correspond avec le début des déficits à répétition chez Postes Canada?», demande-t-il.
Grève de courte durée?
Le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes a déclenché jeudi soir une grève générale en réaction à la réforme du service postal annoncée par Ottawa.
Néanmoins, ce débrayage pourrait être de courte durée en raison d’un retour au travail forcé par le gouvernement fédéral, croit Pat Bélisle.
«S’il y a quelque chose qu’on a compris depuis le début de ce conflit-là, c’est que je ne suis pas inquiet: le gouvernement a plein de façons de bafouer le droit de négocier des travailleurs. On l’a vu chez Air Canada», mentionne le facteur.
Pour voir l’entrevue complète, visionnez la vidéo ci-haut.