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L'article provient de Le Journal de Montréal
Sports

Défi de boxe amateur: des participantes examinées... par une vétérinaire

Elles dénoncent des conditions dangereuses

Julie Brière (à gauche) déplore qu’un entraîneur ait fourni des gants de boxe plus légers à sa rivale lors de la soirée de combat, lui permettant ainsi « de cogner plus fort ». Elle dit avoir subi une commotion cérébrale à la suite du combat et un œil au beurre noir.
Julie Brière (à gauche) déplore qu’un entraîneur ait fourni des gants de boxe plus légers à sa rivale lors de la soirée de combat, lui permettant ainsi « de cogner plus fort ». Elle dit avoir subi une commotion cérébrale à la suite du combat et un œil au beurre noir. Photo courtoisie
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Photo portrait de Simon Baillargeon

Simon Baillargeon

2022-07-04T04:00:00Z
2022-07-04T13:39:11Z
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Des participantes à un défi de boxe amateur dénoncent des manquements à la sécurité lors de leurs entraînements et la soirée de gala, où une vétérinaire a notamment assuré des examens médicaux.

Des boxeuses amatrices en ont gros sur le cœur après s’être inscrites au Défi Stadaconé, organisé par le club Boxe Fit de Lebourgneuf, et son copropriétaire Denis Perreault, aussi entraîneur.

Elles n’en reviennent toujours pas d’avoir vu une vétérinaire réaliser des examens médicaux le soir du gala, entre autres. Une participante a aussi déploré que sa rivale se soit vu remettre des gants deux fois plus légers que les siens, ce qui a mené, dit-elle, à une commotion cérébrale et un œil au beurre noir.

Photo courtoisie
Photo courtoisie

Après s’être inscrites au défi pour la somme de 1000 $, elles croyaient qu’elles allaient «vivre une expérience unique» culminant avec un combat dans un ring six mois plus tard. Pour financer cette aventure, elles pouvaient vendre des billets à leurs proches et à des commanditaires pour la soirée de combats afin de rembourser les coûts d’inscription. Peu après le gala du 22 avril, leur discours a toutefois changé.

L’événement n’était pas sanctionné par la Fédération québécoise de boxe olympique (FQBO) puisqu’il «ne respecte pas notre réglementation au niveau des écarts de poids, d’âge et d’expérience des combattants», précise le directeur général de l’organisme, Kenneth Piché.

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Manque de supervision

Rencontrées par Le Journal, les participantes estiment que les séances de combat simulé ont manqué d’encadrement et se sont «souvent» déroulées sans supervision.

«Il faut que ce soit hautement supervisé, et on n’était pas si supervisés que ça. Et Denis [Perreault] n’était pas toujours là», dit Julie Brière, l’une des participantes, qui raconte s’être elle-même acheté un casque de protection pour ces séances.

Le manque d’équipement de protection a d’ailleurs marqué les participantes. Elles rapportent que des gens ont subi des blessures lors de ces entraînements.

«Il y en a qui ont été blessés. Ce sont des accidents. Mais si c’était avec une supervision plus rapprochée, avec nos équipements, peut-être que ce risque aurait été diminué», précise Mme Brière.

Pour la FQBO, la directive qu’ont les clubs affiliés est de «toujours avoir un entraîneur compétent qui supervise deux participants».

Julie Brière, Johanne Lefebvre, Brigitte Tremblay, Caroline Rousseau et Chantale Nolet croient que le défi de boxe auquel elles ont participé aurait dû être mieux encadré et que la sécurité des participants a été négligée.
Julie Brière, Johanne Lefebvre, Brigitte Tremblay, Caroline Rousseau et Chantale Nolet croient que le défi de boxe auquel elles ont participé aurait dû être mieux encadré et que la sécurité des participants a été négligée. Photo Agence QMI, MARCEL TREMBLAY

«Ils ne peuvent pas être laissés à eux-mêmes. Surtout chez les débutants, le risque qu’il arrive un accident est beaucoup plus élevé», dit M. Piché. Un casque, un protecteur buccal et des gants sont nécessaires, énumère-t-il.

«Ils ont joué notre santé»

Le soir du gala, certains des boxeurs ont aussi eu «la surprise» de voir une vétérinaire effectuer leur examen médical. Une infirmière «qui ne pratique plus, mais qui enseigne encore», selon les participantes, était aussi sur place, et les deux femmes devaient s’assurer de la bonne santé des pugilistes.

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«Oui, ils ont joué notre santé. Et l’examen médical n’a pas duré longtemps. On a tâté nos poignets, regardé nos yeux et on nous a demandé si on était en santé. C’est tout», s’insurge Johanne Lefebvre, en mimant les gestes posés.

Les participants ont ensuite dû signer un formulaire de consentement, attestant qu’ils avaient subi un examen médical. Cette pratique en a mis plusieurs d’entre eux «mal à l’aise», précise Mme Brière, puisqu’il ne s’agissait pas «d’un véritable examen médical». 

«Nos amis et notre famille sont sur place. Si on ne signe pas, on ne boxe pas. Avec la pression, tu signes et espères que ce soit correct, souligne pour sa part Brigitte Tremblay, qui a également enfilé les gants le 22 avril dernier. Ils s’en foutaient [de notre sécurité].»

Cette dernière a d’ailleurs eu deux côtes brisées lors d’un entraînement de combat simulé. «Denis [Perreault] m’avait promis que je me battrais avec un plastron pour atténuer les coups. Le soir du gala, il m’a dit qu’il n’y avait pas de plastron», raconte la femme, dont la rivale s’était vu interdire de frapper au corps.

S’il ne peut commenter «ce que les autres font», le DG de la FQBO juge tout de même «particulier» qu’une professionnelle de la santé des animaux soit impliquée dans ce processus médical.

«C’est sûr qu’à la Fédération québécoise de boxe olympique, la première personne à sécuriser pour un site de compétition, c’est un médecin qui est pleinement autorisé à pratiquer. S’il n’y a pas de médecin, il n’y a pas de gala de boxe», soutient M. Piché.

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«Chaotique et déficiente»

En prenant la parole, ces participantes veulent mettre en garde les apprentis boxeurs qui seraient tentés de s’inscrire. «L’organisation a été chaotique et déficiente», affirme Mme Brière.

Johanne Lefebvre craint que de plus graves blessures ne surviennent lors de prochains événements. Un autre Défi Stadaconé est prévu en décembre prochain. «Il va arriver quoi au prochain défi ? Il va finir par arriver quelque chose», craint-elle. 

«En aucun temps on ne met la santé de nos clients à risque» 

Denis Perreault
Denis Perreault Photo d'archives

Le propriétaire du club Boxe Fit de Lebourgneuf et organisateur du Défi Stadaconé, Denis Perreault, réfute les allégations de manquement à la sécurité des participants et il estime que leur santé n’a jamais été mise en jeu.

«Je n’ai jamais vu une école de boxe avec autant de précaution et de sécurité. [...] Il n’y en a pas de blessures chez nous», se défend M. Perreault. Je ne peux pas être plus méticuleux que ça.»

Il assure que les séances de combat simulé (sparring) étaient réalisées «sous supervision» et que de l’équipement de protection est disponible. «Oui, il y a tout le temps une boîte de casques et une boîte de gants. Sauf que oui, ça arrive des fois qu’il se fait des exercices d’entraînement pas de casque vous comprenez, parce qu’il n’y a pas de coups.»

Si plusieurs participantes soutiennent qu’une vétérinaire a réalisé des examens médicaux avant les combats, M. Perreault répond que ce n’était pas son rôle et qu’une «infirmière» y veillait. 

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Il s’est toutefois ravisé en cours d’entrevue, laissant entendre qu’il était «possible» que la vétérinaire «ait checké» des participants au cours de la soirée. 

«Une erreur»

Il concède toutefois que l’entraîneur ayant refilé des gants beaucoup plus légers à une boxeuse pour son combat a fait «une erreur». La rivale de cette dernière, Julie Brière, a terminé la soirée avec un œil au beurre noir et a subi une commotion cérébrale (voir autre texte).

«[Il] a voulu être fin et il a fait une erreur. Il n’a pas fait ça pour mal faire», explique l’homme qui organise des événements de boxe depuis une trentaine d’années, ajoutant que cela «n’a eu aucune incidence sur le combat».

«C’est du sport amateur, c’est pas des professionnels. Ça frappe pas fort, c’est des filles de 45 ans. Ça n’a aucune différence.»

«Frustrée d’avoir perdu»

Selon M. Perreault, c’est parce que Mme Brière a perdu son combat qu’elle remet en question la volonté de préserver la santé des boxeurs. «Elle est frustrée d’avoir perdu. Avant et après le combat, elle était de bonne humeur. Après la décision, ça a changé.» 

Une accusation que Mme Brière qualifie de «farfelue», assurant que son témoignage sert à mettre en lumière «des manquements à la sécurité».

«En aucun temps on met la santé de nos clients à risque», répète Denis Perreault. Deux paramédicaux étaient sur place toute la soirée en cas d’incident, a-t-il soutenu.

Son but, poursuit-il, est de «mettre le monde en forme», et non «de mettre leur sécurité en jeu». «On change des vies, ici. Les gens perdent du poids et on met du monde en santé. Notre gym est sécuritaire.»

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