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L'article provient de Bureau d'enquête

Décrochage alarmant au Nunavik: 80% des élèves abandonnent durant leur parcours scolaire

La langue et le manque de logements sont notamment en cause dans les difficultés

Photo Marie-Claude Desfossés-Paradis
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Marie-Claude Paradis-Desfossés

2023-11-29T05:00:00Z
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À peine un élève sur quatre obtient son diplôme d’études secondaires au Nunavik et 80% décrochent en cours de route.

À la commission scolaire du Nunavik, Kativik Ilisarniliriniq, on estime que les embûches à la réussite scolaires sont multiples. Non seulement les élèves doivent maîtriser parfaitement une langue seconde, mais en plus ils doivent s’expatrier pour poursuivre des études postsecondaires. À la rentrée 2022-2023, 47% des élèves étaient inscrits au secteur français, langue seconde, contre 53% en anglais. 

L'adoption de la loi 96, qui force les étudiants des cégeps anglophones à suivre des cours supplémentaires en français, engendre d’autres préoccupations. «Si la loi 96 ne donne pas un statut particulier, non seulement qu’ils vont quitter leur famille, ils vont quitter la province aussi», s’inquiète la directrice générale, Harriet Keleutak.

Harriet Keleutak, directrice générale de la commission scolaire Kativik Ilisarniliriniq
Harriet Keleutak, directrice générale de la commission scolaire Kativik Ilisarniliriniq Photo Marie-Claude Desfossés-Paradis

Le coût de la vie au nord du 55e parallèle et le manque de logements sont aussi des freins à la réussite scolaire des quelque 3400 élèves du Nunavik, selon elle. «La pénurie de logements, c’est immense ici. Ça a de l’impact sur nos élèves parce qu’ils n’ont pas de place pour faire leurs devoirs, pour se détendre et bien dormir.» Elle ajoute que la commission scolaire doit aussi composer avec le manque criant de locaux. À titre d’exemple, trois bâtiments temporaires ont été aménagés sur les terrains de l’école Pitakallak, à Kuujjuaq, pour pouvoir accueillir tous les élèves.

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Faire raccrocher les élèves par la culture

Alors que quatre élèves sur cinq abandonnent l’école en cours de route, des enseignants inuits misent sur la culture pour les faire raccrocher. Dans la classe de maternelle d’Ayaana Berthe, les enfants apprennent les saisons, les chiffres, les couleurs, mais aussi comment dépecer un caribou. «Quand on fait des choses avec la culture, comme skin le caribou, on voit dans le visage des enfants qu’ils veulent apprendre. Ils sont vraiment intéressés et veulent aider. Ça fait une grande différence quand on apporte la culture dans la classe», témoigne l’enseignante.

L'enseignante Ayaana Berthe dépèce un caribou avec ses élèves. Les enseignements traditionnels inuits ont une place importante à l'école Pitakallak de Kuujjuaq.
L'enseignante Ayaana Berthe dépèce un caribou avec ses élèves. Les enseignements traditionnels inuits ont une place importante à l'école Pitakallak de Kuujjuaq. Photo Marie-Claude Desfossés-Paradis

Un grand chantier pour changer le modèle d’enseignement

Un grand chantier est en cours pour améliorer le modèle d’enseignement, tout en préservant l’inuktitut. «On mettrait les mesures pour que nos élèves puissent apprendre notre langue très bien, la maîtriser et la langue seconde aussi», explique Harriet Keleutak, laquelle se désole de voir de plus en plus d’enfants inuits qui ne s’expriment pas en inuktitut lorsqu’ils commencent l’école.

Présentement, l’enseignement se fait exclusivement en inuktitut de la maternelle à la deuxième année du primaire. Les parents doivent ensuite choisir entre un parcours exclusivement en français ou en anglais, ce qui pose un autre problème. 

Dans la classe de Mme Ayaana Berthe à l'école Pitakallak de Kuujjuaq, l'enseignement se fait uniquement en Inuktitut.
Dans la classe de Mme Ayaana Berthe à l'école Pitakallak de Kuujjuaq, l'enseignement se fait uniquement en Inuktitut. Photo Marie-Claude Desfossés-Paradis

«C’est comme recommencer la maternelle dans une autre langue», soulève Mme Keleutak. Un retard difficile à rattraper. «Les Inuits qui reçoivent leur diplôme, quand ils vont au collège où qu’ils font des études vocationnelles, il faut qu’ils reprennent des cours de maths, de sciences ou de langue tout le temps.»

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