Déclin du français: la cause négligée

Antoine Robitaille
On parle beaucoup du déclin du français dans cette campagne, mais trop souvent en désignant l’immigration comme la cause principale, voire unique.
Évidemment, il y a là un sérieux défi. La loi 101 visa justement à le relever en « dés-ethnicisant » la langue française afin d’en faire un véritable creuset dans ce coin d’Amérique.
Ce fut un succès, en partie. Surtout grâce aux clauses scolaires. Mais depuis 30 ans, d’autres nouveaux phénomènes sont venus bouleverser les choses.
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« Consommation »
Notamment ce qu’on appelle la « consommation » culturelle. Image que je déteste (on ne « bouffe » pas des livres, films ou séries !), mais qui a un mérite : nous faire comprendre qu’« on est ce qu’on mange ».
Lorsque la télévision est arrivée au Québec et au Canada, les élites redoutèrent une américanisation rapide des mœurs. Plusieurs mécanismes de défense et de développement ont finalement permis au Canada, mais surtout au Québec, de favoriser le maintien et le développement d’une culture nationale, sans pour autant bannir la culture américaine.
L’attitude des élites face à l’avènement de l’internet et de son excroissance mal nommée, les « réseaux sociaux », fut complètement différente. Le laisser-faire, voire le laisser-aller, fut la voie choisie. Je le concède, ce n’aurait pas été simple.
Il reste que, 30 ans plus tard, le résultat est catastrophique pour les cultures minoritaires comme celle du Québec.
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Devenir américain
Le chef du PQ, Paul St-Pierre Plamondon, a de façon pertinente abordé le sujet samedi matin.
Il déplorait que « 58 % des jeunes Québécois de 18 à 34 ans consomment très peu voire pas du tout de contenu audiovisuel québécois sur les plateformes en ligne [...]. 31 % d’entre eux admettent ne jamais écouter ni regarder de contenu issu du Québec, 75 % d’entre eux disent que leur consommation de contenu québécois ne dépasse pas 4 heures par semaine ».
Autrement dit, la culture de nos futurs Québécois sera en grande partie, voire totalement américanisée, et, par la force des choses, anglicisée. Leurs esprits s’en trouveront comme délocalisés. Leur langue est déjà émaillée de mots et concepts américains. Ce n’est pas le mal absolu, mais ils en viennent à se désintéresser de ce qui se passe chez eux puisqu’ils sont des sujets de ce que l’essayiste Mathieu Bélisle a appelé « l’empire invisible ».
Que faire pour contrer ces phénomènes ? Pour préserver notre manière de « faire nation », d’avoir un monde commun.
D’abord, dans notre ère devenue classe d’immersion anglaise et américaine, appliquer la loi 101 au collégial aiderait sûrement. Les professeurs de cégep le martèlent d’ailleurs.
Seul le PQ en a fait un engagement. Il propose aussi de rapatrier les pouvoirs en culture afin de créer un Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications québécoises et un Bureau de promotion du contenu culturel québécois.
Le Parti libéral du Québec, dans ses 27 mesures pour promouvoir le français (dont il ne parle plus de peur d’effaroucher sa base anglophone), suggère d’« assurer d’une offre prépondérante d’œuvres en français sur les plateformes numériques, telles que Netflix et Spotify ». Intéressant. Mais comment faire ?
Agir en ces domaines me semble urgent.