Déchets dangereux américains: le Québec plus permissif et moins cher
«Quand on parle de contribuer à l’économie québécoise, c’est exactement le contraire: ça va nous coûter de l’argent», dénonce Martine Ouellet


Anne Caroline Desplanques
Le Québec est une destination privilégiée des exportateurs de déchets dangereux, car on y est moins regardant et moins cher que d’autres juridictions.
Si le mouvement transfrontalier de déchet est géré par le fédéral, ce sont les provinces qui créent les critères d’octroi des permis pour les producteurs de déchets, les transporteurs et les installations de traitement, explique Environnement Canada.
Et «le Québec n’est pas aussi strict que d’autres, dont l’Ontario», indique Sabaa Khan, avocate spécialiste en droit international de l’environnement et du commerce international, et directrice générale de la Fondation David Suzuki.
Les entreprises que nous avons contactées martèlent toutes qu’elles évoluent dans un marché hautement réglementé.
« Stablex traite les matières dangereuses, elle ne les génère pas. Notre entreprise s’est toujours souciée de son impact dans le milieu», a fait valoir le directeur général de l'entreprise Michel Perron à l'Assemblée national le 18 mars. Il a souligné que sa compagnie «se soumet à des normes environnementales très strictes que fait respecter le ministère de l’Environnement» (MELCCFP).
Denis Beaulieu de Terrapure ajoute que ces normes les force à procéder annuellement à des tests pour vérifier leur émissions, notamment, et à les communiquer au ministère.
Et c'est justement là que le bât blesse, note Mme Khan : les entreprises ne doivent pas se soumettre à des audits indépendants et n’ont pas à fournir autant de documents qu’en Ontario, elles font elle-même le suivi environnemental.

Cette régulation moins regardante permet aux entrepreneurs d’ici d’offrir des prix moindres que celles des États-Unis ou du reste du Canada, d'après Jim Puckett, fondateur du Basel Action Network qui se consacre aux mouvements transfrontaliers des déchets dangereux.
Stratégie économique perdante
Pour Mme Khan, «ça fait partie de la stratégie économique du Québec», car «c’est une industrie très lucrative».
Mais «quand on parle de contribuer à l’économie québécoise, c’est exactement le contraire: ça va nous coûter de l’argent», prévient l’ex-ministre péquiste Martine Ouellet, maintenant à la tête de Climat Québec.
Elle explique que recevoir des déchets dangereux à un coût pour l’environnement et pour la santé qui est épongé par les contribuables et non pas par les sociétés privées qui font des profits en important ces matières.

L’accord entre le Canada et les États-Unis qui régit les déplacements transfrontaliers de déchets dangereux prévoit que le pays importateur doit être clairement informé de ce qu’il reçoit et y consente. De fait, Ottawa pourrait fermer la porte en cessant de signer les formulaires de consentement ou imposer des tarifs à l’importation de ces matières, indiquent les experts que nous avons consultés.
Pour Mme Khan, il est urgent de revoir cette entente, car la déréglementation en cours aux États-Unis va y accroître la production de déchets dangereux et doper les quantités envoyées chez nous. Elle souligne que l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis (EPA) a annulé mi-mars 31 normes environnementales.