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L'article provient de Le Journal de Montréal
Justice et faits divers

Décédée à la suite d’une attaque au marteau: cette femme a-t-elle été victime d’un meurtre?

La famille de cette femme de 64 ans veut connaître la vérité

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Photo portrait de Frédérique Giguère

Frédérique Giguère

2023-10-05T04:00:00Z
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La fille d’une sexagénaire morte au printemps 2022, peu de temps après avoir été sauvagement attaquée à coups de marteau par un voisin, déplore la désinvolture totale des systèmes de justice et de santé, alors que l’agresseur est libre comme l’air et qu’elle peine à obtenir des réponses claires.

« Ma mère est passée entre deux craques, c’est évident », lance avec exaspération et colère Geneviève Gauvin, qui a cogné à toutes les portes depuis le crime violent subi par sa mère en février 2022. Près d’un an et demi après les faits, la jeune femme est incapable de savoir si le décès de sa mère est dû à son agression. 

Geneviève Gauvin mène une véritable bataille bureaucratique afin de rendre justice à sa mère, morte six semaine après une sauvage agression à coups de marteau.
Geneviève Gauvin mène une véritable bataille bureaucratique afin de rendre justice à sa mère, morte six semaine après une sauvage agression à coups de marteau. MARTIN ALARIE / LE JOURNAL DE MONTRÉAL

La liste des éléments étranges et inhabituels dans ce dossier est longue : pas d’autopsie, pas d’enquête du coroner, impossibilité d’obtenir le dossier médical de sa mère, verdict rendu de façon expresse, l’accusé en liberté et sans condition rapidement malgré la gravité des gestes.

Sauvagement et gratuitement

Le 25 février de l’année dernière, sa mère Solange Paré vaquait paisiblement à ses occupations lorsque son voisin a défoncé sa porte. 

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La porte du logement où vivait Solange Paré lors de l'agression. Philippe Harvey a fracassé la vitre avec un marteau afin de forcer son entrée.
La porte du logement où vivait Solange Paré lors de l'agression. Philippe Harvey a fracassé la vitre avec un marteau afin de forcer son entrée. MARTIN ALARIE / LE JOURNAL DE MONTRÉAL

La femme de 64 ans a été battue sauvagement et gratuitement à coups de marteau.  

Solange Paré est décédée en mai 2022 à la suite d'une agression survenue six semaines plus tôt.
Solange Paré est décédée en mai 2022 à la suite d'une agression survenue six semaines plus tôt. Courtoisie Geneviève Gauvin

En plus de nombreuses fractures, Mme Paré a subi une perforation du poumon gauche. Elle est décédée à l’hôpital le 8 mai, soit six semaines plus tard, de causes qui pourraient être reliées à ses blessures. 

Afin que sa mère soit toujours avec elle, Geneviève Gauvin s'est fait faire un bijou avec ses cendres.
Afin que sa mère soit toujours avec elle, Geneviève Gauvin s'est fait faire un bijou avec ses cendres. MARTIN ALARIE / LE JOURNAL DE MONTRÉAL

Philippe Harvey, 31 ans, a un historique de problèmes de santé mentale et souffre d’un trouble psychotique, selon le rapport de la Commission d'examen des troubles mentaux (CETM) consulté par Le Journal. Un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux a été rendu le 12 avril 2022. Le dossier a donc été transféré à la Commission afin qu’un suivi soit fait. 

Lors de son audience, on a noté que Philippe Harvey représentait un danger pour le public et qu’il banalisait les gestes commis. Il a tout de même été libéré presque immédiatement.  

« Bombe à retardement »

Naturellement, à la lumière de tous ces éléments, Geneviève Gauvin peine à faire son deuil. 

Solange Paré peu après son agression en février 2022.
Solange Paré peu après son agression en février 2022. Courtoisie Geneviève Gauvin

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Solange Paré peu après son agression en février 2022.
Solange Paré peu après son agression en février 2022. Courtoisie (ajouter source)

Les nombreuses incohérences l’empêchent de trouver une quelconque forme de paix. Elle craint aussi que Philippe Harvey, qui jouit désormais d’une liberté totale puisque ses conditions ont été levées au cours des dernières semaines, puisse s’en prendre à une autre personne innocente.  

« C’est peut-être une bombe à retardement, ce gars-là, dit-elle. Il n’a peut-être pas été jugé en fonction de la gravité du crime, parce que peut-être que c’est [...] un homicide finalement. » 

Geneviève Gauvin tient une photo de sa mère, Solange Paré.
Geneviève Gauvin tient une photo de sa mère, Solange Paré. MARTIN ALARIE / LE JOURNAL DE MONTR�AL

La CETM a refusé de répondre à nos questions, prétextant que tous ses dossiers sont confidentiels. Jointe par téléphone, la mère de Philippe Harvey a refusé tout commentaire avant de raccrocher.  

Avec Michaël Nguyen.

Les incohérences du dossier :  

Pas d’autopsie ni d’enquête du coroner :

Solange Paré avait reçu un rapide congé de l’hôpital peu après son agression et avait pu retourner chez elle brièvement. Or, un peu plus de deux semaines avant sa mort, elle a dû être hospitalisée à nouveau. Selon un document officiel auquel Le Journal a eu accès, les causes de sa mort sont une pneumonie, une COVID-19 sévère, un choc septique et des complications liées à une greffe rénale subie avant le crime. Curieusement, aucune autopsie ni enquête du coroner n’ont été demandées à la suite du décès, bien qu’elle ait été victime d’une sauvage agression qui avait gravement touché l’un de ses poumons six semaines plus tôt. Après les démarches du Journal et beaucoup d’insistance de Mme Gauvin, le bureau du coroner a finalement accepté au cours des derniers jours de faire enquête. 

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On a également refusé de lui envoyer le dossier médical, déplore la jeune femme. Contacté à ce sujet, le CIUSSS du Nord-de-l’île-de-Montréal, qui gère l’hôpital où Mme Paré est décédée, a simplement affirmé avoir traité la demande en vertu de la loi et a invité la fille de la victime à déposer une plainte au besoin.  

Des menaces cinq jours plus tôt :

Seulement cinq jours avant l’attaque sur Solange Paré, Philippe Harvey a menacé deux employés d’un dépanneur à la pointe d’un couteau à steak parce qu’on lui avait demandé de porter le masque. Peu après son arrestation, il a déclaré aux policiers : « As-tu déjà vu ça, un magicien qui tue tout le monde ? »  

Il a également été reconnu non criminellement responsable dans ce dossier.  

La dangerosité et la proximité entre les deux agressions ne semblent pas avoir été considérées lorsque la commission a décidé de le remettre en liberté. 

De retour à la maison :

Lors de la première audience survenue en mai, la Commission d’examen des troubles mentaux (CETM) a ordonné la détention de Philippe Harvey à l’hôpital. Or, il a quand même été renvoyé chez lui par le personnel médical, soit à quelques mètres du domicile de la victime, où Geneviève Gauvin vivait également. Cette dernière, avec qui il avait un interdit de contact, a porté plainte à au moins une reprise en raison de harcèlement. Un dossier de non-respect de ses conditions fut soumis à la Direction des poursuites criminelles et pénales (DPCP), mais cette dernière ne l’a pas accepté. Encore aujourd'hui, impossible de connaître les raisons qui ont motivé cette décision.

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La parole de la mère de l’accusé prévaut :

Au moment de la seconde audience devant la Commission d’examen des troubles mentaux (CETM), le récent décès de Solange Paré fut annoncé. Aucun professionnel n’est venu témoigner sur les causes du décès. La mère de l’accusée a affirmé qu’elle était simplement morte de la COVID-19. Pour une raison inexpliquée, ses propos ont été retenus et non contestés par la CETM en raison de sa « grande crédibilité ». Il s’agit de la seule « preuve » déposée devant la commission pour affirmer que Solange Paré n’est pas décédée des suites de l’agression.  

49 jours pour régler le dossier :

Alors que les délais judiciaires explosent de partout, ce dossier fut étonnement réglé en l’espace de 49 jours. Pendant ce court délai, l’accusé a eu le temps de comparaître, d’être évalué par un psychiatre et de recevoir sa sentence. Le tout sans avocat.  

Impossibilité de l’accuser deux fois :

Au Canada, la loi prévoit qu’on ne peut accuser une même personne deux fois pour le même crime. Autrement dit, même s’il existait des documents pour prouver le lien de cause à effet entre l’agression et le décès de Solange Paré, le DPCP ne pourrait déposer de nouvelles accusations. Comme il s’agit des mêmes événements et de la même preuve, il est impossible de juger deux fois le même crime, même si la victime est décédée après le verdict, a confirmé l’organisation.  

Or, la fille de Mme Paré estime que l'indifférence généralisée avec laquelle on a géré le dossier pourrait mettre en danger la population.

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