Sam Laguerre: Décédé 56 jours après son mariage
Le statisticien de formation travaillait à la réception d’un centre d’hébergement et de soins de longue durée


Nora T. Lamontagne
Le coronavirus a arraché la vie d’un père de trois enfants qui travaillait comme adjoint administratif dans un CHSLD, moins de deux mois après son mariage.
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« Je me trouvais tellement chanceuse de l’avoir... Jamais je n’aurais pensé que la vie allait me le prendre aussitôt », confie Rose Martine, devenue veuve de Sam Laguerre 56 jours seulement après leur union, le 7 mars 2020.
Statisticien formé en Haïti, son mari travaillait à l’accueil du CHSLD Providence Saint-Joseph, à Montréal, jusqu’au jour où il a contracté la COVID-19, alors que les cas se multipliaient dans le centre d’hébergement de soins de longue durée.
« Ce n’était pas le niveau de poste qu’il aurait aimé, mais il ne se plaignait pas de son travail, il était content », souligne son ami Thomas Lalime.
Tous ses proches le disent : Sam Laguerre était un bon vivant. Amateur de danses latines, DJ à ses heures, grand cuisinier.

« [Après le mariage], la fête a continué chez lui jusqu’à tard. Il y avait toujours une fête chez Samy », se souvient à regret Antoine Jean Philippe, son grand confident et témoin à son mariage.
C’était aussi un homme qui pensait à l’avenir de ses trois enfants, qui n’habitaient plus avec lui : Saïna, 17 ans, Sean, 4 ans, et Orlane, 9 ans, toujours avec sa mère en Haïti.
« Dans nos projets, on pensait faire la demande [d’immigration] pour sa petite fille », témoigne Rose Martine.
Le coronavirus ne leur en a pas laissé le temps.
Faux espoirs
Sam Laguerre, 44 ans, est entré à l’urgence de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont déshydraté et mal en point dans la semaine du 20 avril 2020, même s’il n’avait aucun problème de santé connu.
Morte d’inquiétude, Mme Martine, une préposée aux bénéficiaires de 38 ans, appelait deux ou trois fois par jour pour avoir de ses nouvelles.
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Après plus d’une semaine aux soins intensifs, il semblait prendre du mieux, se rappelle-t-elle.
« Le samedi matin, il m’a dit : “Mi vida, mon amour, je vais mieux, je ne tousse plus, je n’ai plus de fièvre”. J’avais des ailes. »
Mais plus tard dans la soirée du 1er mai, son état s’est détérioré.
L’effort d’une vie
Cette fois, c’est une infirmière qui a contacté Mme Martine. Son Sam venait de pousser son dernier souffle.
Voulait-elle le voir une dernière fois, même s’il lui fallait se mettre en quarantaine par la suite ? « Oui... »
« Je l’ai touché. Je lui ai parlé. On dit que l’ouïe est la dernière chose qui se perd quand une personne meurt », dit-elle, en pleurs.
Et puis, elle est rentrée chez elle, dans la maison qu’elle partageait avec lui, en deuil, et isolée pour les deux semaines suivantes.
« J’ai dû faire l’effort de ma vie pour rester seule. »
Une cérémonie en l’honneur de Sam Laguerre a été organisée sur internet et environ 800 personnes ont tenu à y assister.