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L'article provient de Le Journal de Montréal
Affaires

De mystérieux lingots d’or au cœur de la chute de Highpoint

Une série de transferts douteux a plongé l’entreprise d’ici dans une crise de liquidité

Solution Highpoint, un joueur important de l’industrie du cinéma et de l’événementiel au Québec, sera vendu en tout ou en partie par Raymond Chabot au cours des prochaines semaines.
Solution Highpoint, un joueur important de l’industrie du cinéma et de l’événementiel au Québec, sera vendu en tout ou en partie par Raymond Chabot au cours des prochaines semaines. Photo tirée de Facebook
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Photo portrait de Martin Jolicoeur

Martin Jolicoeur

2022-09-06T04:00:00Z
2022-09-07T13:50:00Z
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Une rocambolesque histoire de lingots d’or et d’investissements de dizaines de millions de dollars serait à la source de la déconfiture de Solution Highpoint, cette entreprise montréalaise du secteur du cinéma qui risque aujourd’hui le démantèlement.

C’est ce que nous apprend un récent rapport de Raymond Chabot, le séquestre chargé entre autres de faire la lumière sur la disparition soudaine de centaines de milliers — peut-être de millions — de dollars des coffres de l’entreprise, jusque-là financée par la Banque Nationale du Canada (BNC).

Pour mémoire, rappelons qu’à la suite d’une requête de l’institution financière, le Tribunal a ordonné d’urgence, en juillet, la nomination d’un séquestre. Sans tarder, ce dernier a depuis pris le contrôle de Solution Highpoint, viré le PDG et son chef des finances et mis en vente l’ensemble de ses actifs. 

  • Écoutez le segment économique d'Yves Daoust diffusé chaque jour en direct 9 h 35 via QUB radio :

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Courtier en or, en Afrique

Le rapport du séquestre trace le portrait d’une entreprise à croissance rapide, fondée et détenue par l’homme d’affaires Jean-François Dubé, qui, après s’être fortement endetté pour financer sa croissance, fut séduit par les promesses d’un homme d’affaires se présentant comme «courtier en or» pour le compte de mines africaines.

Cet homme, un dénommé Pierre Gaston, de Montréal, s’engage verbalement, en 2021, à verser 100 M$ dans son entreprise. La proposition intéresse M. Dubé, malgré l’avis défavorable de la BNC. 

En plus de le soulager de dettes importantes (plus de 11 M$), elle lui permettrait entre autres de racheter la participation de son coactionnaire, le Fonds d’investissement de la culture et des communications.

Pierre Gaston, qui a promis à l’entreprise basée à Montréal des dizaines de millions de dollars en investissements.
Pierre Gaston, qui a promis à l’entreprise basée à Montréal des dizaines de millions de dollars en investissements. Photo tirée de LinkedIn

Des millions coincés à Toronto

Le hic, c’est que Pierre Gaston n’a pas véritablement les fonds en sa possession. Ces fonds, explique-t-il, proviendraient de l’obtention anticipée d’une marge de crédit bancaire, en contrepartie d’une garantie prise sur un magot de 575 kilos d’or sous forme de lingots et 6 M$ US en argent comptant lui appartenant.

Or, ce trésor résultant apparemment de ses activités de courtier pour le compte de mines africaines auprès de «banques européennes et canadiennes» serait entreposé depuis quatre ans à l’aéroport Lester B. Pearson de Toronto, sans possibilité apparente d’y accéder.

C’est ainsi, selon le rapport du séquestre, que Jean-François Dubé se serait retrouvé à vouloir aider Pierre Gaston à certifier et à libérer ces lingots coincés à Toronto, contre la promesse non écrite que ce dernier investirait par la suite pas moins de 100 M$ dans Solution Highpoint.

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Voyages et transferts au Ghana

En plus de mettre à sa disposition une voiture de fonction et de lui payer plusieurs voyages en Afrique, Highpoint aurait effectué entre les mois de janvier et mai 2022 une série de décaissements, tous en faveur de Pierre Gaston, soutient la Banque Nationale. 

Au total, c’est un «minimum» de 895 000 $ que Highpoint aurait ainsi avancé ou versé à l’investisseur sans en avoir informé la Banque Nationale. Ces décaissements, faits à son insu, auraient entraîné une détérioration aussi majeure que rapide des liquidités de l’entreprise. 

Jean-François Dubé et Pierre Gaston n’ont pas donné suite à notre demande d’entrevue. Pour sa part, faisant valoir des «procédures judiciaires», la Banque Nationale a décliné notre invitation.

Les investisseurs intéressés par l’ensemble ou une part des actifs de Highpoint ont jusqu’au 12 septembre pour se manifester. Si tout se déroule comme prévu, l’ensemble de ces actifs — y compris les contrats — aura trouvé preneur d’ici octobre.

– Avec Philippe Langlois, du Bureau d’enquête

Pierre Gaston, de promoteur d’un héliport à marchand d’or

Mais qui au juste est ce Montréalais du quartier Saint-Henri, apparemment propriétaire d’une cinquantaine de lingots d’or coincés à l’aéroport Pearson de Toronto, et qui aujourd’hui, serait impliqué dans la déroute de Solution Highspeed?

Afin d’en savoir davantage, Le Journal a tenté sans succès au cours des derniers jours d’entrer en communication avec Pierre Gaston. Des recherches nous ont quand même permis de confirmer que ce dernier présente un parcours atypique. 

Les Montréalais seront par exemple surpris de constater qu’en plus d’œuvrer dans le commerce des métaux précieux, Pierre Gaston est aussi le promoteur et premier actionnaire d’Héliport Montréal Centre-ville. 

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Malgré les efforts déployés, ce projet, applaudi par le maire Denis Coderre à une autre époque, peine toujours depuis douze ans à voir le jour. 

Des comptes presque vides

Son profil Linkedin présente par ailleurs Pierre Gaston comme un «leader calme et efficace», cofondateur de la Fondation Ingrid Betancourt, ayant œuvré «dans plus de quinze pays» (CARE, Croix-Rouge, Ambassade de France), et habile à saisir des «opportunités» pour les «transformer en profit». 

Toutefois, dans le cadre de vérifications au Bureau du surintendant des faillites, la Banque Nationale a découvert que Pierre Gaston s’est prévalu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité à trois reprises ces dernières années (1990, 2017 et 2019), ce qui eut pour effet d’aiguiser ses soupçons.

Raymond Chabot a découvert par la suite qu’au cours des six premiers mois de 2022, près d’un million de dollars auraient été versés par Solution Highpoint à Pierre Gaston ou son entreprise d’import-export. 

Des fonds qui auraient, en partie du moins, été transférés depuis au Ghana et en Floride.

Soucieuse de récupérer ces sommes, Raymond Chabot a saisi cet été les comptes de sa société à la Banque TD. En date du 8 juillet, toutefois, le solde de ce compte ne s’élevait plus qu’à 182,24 dollars.

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