De la surveillance avec l’auto de l’accusé avant un meurtre
Le délateur a expliqué au jury comment il tentait d’établir la routine de ses cibles


Valérie Gonthier
Avant d’exécuter ses contrats pour le compte de la mafia, un tueur à gages repenti qui témoigne samedi pour la poursuite effectuait une surveillance minutieuse sur ses victimes, n’hésitant pas à emprunter le véhicule de la femme accusée d’avoir nettoyé les traces de certains de ses meurtres.
C’est ce que le jury a appris vendredi au procès de Marie-Josée Viau, 45 ans, et Guy Dion, 49 ans, ce couple accusé d’avoir participé aux meurtres des frères Giuseppe et Vincenzo Falduto.
Le tueur à gages, dont l’identité est protégée par un interdit de publication, a accepté de devenir délateur pour la police en 2019.
Il a expliqué au jury qu’en 2016, il avait reçu de la part du mafieux Salvatore Scoppa un « menu », soit une liste de gens à éliminer. Tous étaient des Siciliens avec qui les Calabrais étaient alors en guerre.
Il a ainsi admis avoir participé à des meurtres en 2016, dont ceux des frères Falduto, abattus dans le garage des accusés Viau et Dion.
Auparavant, il avait aussi assassiné Rocco Sollecito en pleine rue, à Laval.
Avant d’y arriver, le tueur à gages effectuait « de la watch », soit une étroite surveillance de sa cible.
Établir la routine des cibles
« Faire de la watch, c’est regarder les sujets, regarder leur routine, les adresses où ils se tenaient, leur cache où ils allaient », a-t-il expliqué vendredi, au Centre judiciaire Gouin, à Montréal.
Ce travail était essentiel afin de pouvoir piéger la cible au bon moment, a-t-il affirmé. Mais une fois, il a donné le contrat à d’autres individus, « des idiots » qui se sont finalement trompés de cible. « On a été faire de la surveillance chez M. Spagnolo. Le gars s’est trompé, il a tiré le père plutôt que le fils, Nick », a-t-il déploré.
Dans le cas de Sollecito, le délateur se levait à 4 ou 5 h pour le suivre. Ses complices et lui utilisaient différents véhicules afin de ne pas se faire remarquer. Parfois, ils s’en débarrassaient après des « rounds de surveillance ».
« Au début, on a commencé avec un Mazda gris avec les vitres teintées. On prenait aussi la Mazda à Marie-Josée », a-t-il détaillé, en faisant référence à l’accusée.
C’est finalement à Laval, près de chez lui, que Rocco Sollecito a été abattu.
Aidé de deux autres individus, le délateur l’a piégé en pleine rue, l’attendant à un arrêt d’autobus.
Il s’est ensuite enfui à l’arrière d’une moto conduite par un homme dont l’identité est protégée par une ordonnance de non-publication. Ceux-ci sont ensuite allés se débarrasser des casques de moto et de leurs vêtements chez Marie-Josée Viau et Guy Dion, à Saint-Jude, en Montérégie.
Tirs chez les accusés
D’ailleurs, le tueur à gages a admis être allé à quelques reprises chez le couple, parfois pour essayer des armes.
« On a essayé des [armes de calibre] .22 avec silencieux, que Sal [Salvatore Scoppa] avait achetés, ils étaient faits maison, ils bloquaient tout le temps », a-t-il rapporté, ajoutant que des traces de projectiles doivent être encore visibles sur place.
Il a précisé que l’un ou l’autre des accusés était toujours présent lorsqu’il s’y rendait. « Je n’y serais pas allé, sinon, c’est une question de respect », a-t-il insisté.
Son témoignage poursuit lundi.