De la crise du verglas à la pandémie...

Josée Legault
Cette semaine marque les 25 ans de la crise du verglas. Une des pires catastrophes naturelles de l’histoire du Québec. Hier, je revenais sur les circonstances dramatiques d’une tempête sans précédent qui, au fil des jours, allait recouvrir des régions entières de glace, dont la métropole.
Voyons maintenant un de ses aspects les plus fascinants : la gestion de crise sous l’angle de la communication politique. En janvier 1998, dès les débuts de la tempête, le premier ministre Lucien Bouchard comprend que l’heure est grave.
Le cauchemar s’annonce costaud. Pendant des jours et, pour plusieurs, des semaines, des millions de Québécois seront privés de courant et de chauffage. Il faut donc agir. Rapidement.
Dans les zones sinistrées, Hydro-Québec déploie ses équipes de monteurs de ligne. Les autorités achètent des génératrices, sécurisent les hôpitaux et les usines d’épuration d’eau, font appel à l’armée, etc.
Devant l’ampleur de la crise, l’urgence est aussi d’informer la population pour la rassurer tout en la mobilisant. C’est là que la communication politique, nerf de la guerre, entre en jeu.
Naissent alors les conférences de presse quotidiennes menées par un trio de choc : Lucien Bouchard, André Caillé, patron d’Hydro-Québec, et le ministre néanmoins plus discret de la Sécurité publique, Pierre Bélanger.
Leur message central aux Québécois est qu’ils ne seront pas laissés seuls. Le premier ministre enjoint aussi à ceux qui ont du courant d’héberger ceux qui n’en ont pas. Son appel à la solidarité est suivi religieusement.
Les cinq piliers
Lucien Bouchard montre alors qu’il sait maîtriser ce que je listerais comme les cinq piliers d’une communication politique efficace lorsque la santé et la sécurité des gens sont mises en danger.
1) La présence soutenue d’un leadership politique fort et compatissant. 2) Montrer que des actions concrètes sont prises. 3) Établir une relation de confiance avec les citoyens pour qu’ils respectent les consignes et s’aident aussi entre eux. 4) Assurer la véracité des données, même si tout n’est pas dit. 5) Des médias proactifs prêts à relayer largement les informations données par les autorités.
Depuis, vous l’aurez remarqué, cette même recette a fait école. Dès le début de la pandémie en mars 2020, le trio François Legault, Danielle McCann et Horacio Arruda tient à son tour des points de presse quotidiens.
En plein confinement, la « messe de 13 h » devient un rendez-vous obligé. Les similitudes entre les deux crises sur le plan des communications s’arrêtent toutefois là.
Sous une pandémie mondiale, la crise durera beaucoup plus longtemps. Au Québec, on dénombrera par milliers les personnes mortes dans des conditions inhumaines. Le réseau de la santé, déjà détraqué, implosera.
Impréparation mondiale
Or, les infos « rassurantes » données par le trio en point de presse, incluant celles sur le matériel de protection personnelle pour les employés du réseau, seront contredites par la réalité nettement moins rose sur le terrain.
Avec le temps, la « messe de 13 h » finira par s’user. Le côté « spectacle » et trop collé au politique du Dr Arruda se retournera contre lui. Jugée déconnectée du terrain, la ministre de la Santé, Danielle McCann, sera remplacée par Christian Dubé.
Autre différence : cet automne, Thomas Gerbet de Radio-Canada rapportait l’influence majeure de la firme privée McKinsey dans la gestion de la pandémie, dont les communications politiques.
Au Québec comme pour d’autres États, dans les coulisses du pouvoir, la puissante firme-conseil internationale a œuvré discrètement, mais activement.
Conclusion : bien au-delà des communications, ces deux crises ont en commun l’impréparation troublante en amont des autorités de tous les paliers – politiques, sécurité publique, santé publique, etc.
Face à la pandémie, l’impréparation fut même planétaire. Elle le fut malgré les multiples experts qui, depuis des années, sonnaient l’alarme quant au risque d’une éventuelle pandémie meurtrière.
Les décideurs de ce monde, présents et futurs, auront-ils enfin tiré les bonnes leçons avant la prochaine grande crise ? Bien malins les devins...