De Boutcha à Kramatorsk, l'hommage aux morts de la guerre
Agence France-Presse
«Se souvenir des crimes russes»: de Boutcha, une ville martyre proche de Kyïv durement marquée par l'occupation russe, aux zones proches du front comme Kherson (sud) et Kramatorsk (est), des Ukrainiens ont rendu hommage vendredi aux victimes de la guerre déclenchée il y un an.
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Dans l'église Saint-André de Boutcha, une petite exposition photographique rappelle les heures sombres vécues par cette localité de la banlieue nord-ouest de la capitale ukrainienne.
C'est à côté de l'édifice, encore partiellement en travaux, qu'une fosse commune avait été creusée pour enterrer à la hâte les cadavres des personnes victimes de l'occupation avant sa libération par les forces ukrainiennes, fin mars 2022.
«Nous sommes réunis pour nous souvenir des crimes russes, de la terreur», déclare un prêtre pendant une cérémonie organisée «pour la paix en Ukraine et ses défenseurs», devant une centaine de paroissiens venus se recueillir.

Au printemps dernier, Boutcha est devenue un symbole des crimes de guerre imputés à la Russie par l'Ukraine.
«On est restés là avec ma femme pendant un mois, pendant l'occupation. On n'a pas bougé, on a vu toutes ces horreurs», raconte à la sortie de l'église, les yeux rougis, Serguiï Zamostiane, un ancien professeur de 62 ans.
«Au cimetière, plus de 50 de nos soldats reposent déjà et 450 civils qu'ils (les Russes) ont fusillés (...) Pourquoi ? Expliquez-moi, pourquoi ?», interroge le sexagénaire. Il raconte qu'il vivait rue Iablonska, où l'AFP avait découvert, immédiatement après la fin de la présence militaire russe, les corps d'une vingtaine de civils.
Parmi ces morts, le parrain de leur fils, «abattu dans notre cour». Et «un homme, on ne le connaissait pas, on l'a trouvé allongé, tué, on l'a vu de nos propres yeux».

«Fatigués» de la guerre
Quelques minutes plus tard, une deuxième cérémonie est organisée au cimetière de Boutcha. Une dizaine de tombes creusées ces dernières semaines et sur lesquelles sont posés couronnes de fleurs et drapeaux ukrainiens abritent des corps de soldats tués ces derniers mois, témoignages du tribut payé par cette petite ville de 30 000 habitants avant la guerre.
La plus récente est celle d'Oleksiï, 29 ans, mort mi-janvier. Sa mère, Tatiana, est rentrée d'Allemagne où elle est réfugiée pour enterrer le jeune homme.
«On est fatigués, on n'en peut plus de la guerre. C'est dur, on veut qu'on nous laisse en paix», dit-elle, soutenue par Anna, 24 ans, la petite amie d'Oleksiï qui dit ressentir «un abyme, le vide».
À Lviv, dans l'ouest de l'Ukraine, des proches de militaires tués au combat se sont recueillis jeudi soir dans un cimetière, mais, pour la mère d'un de ces hommes, Anna Krachitska, «cet anniversaire n'est pas une célébration, c'est notre douleur».

«Mon fils est enterré ici. Demain, cela fera exactement un an qu'il s'est levé un matin, après avoir vu à la télévision que la guerre avait commencé et qu'il s'est engagé (...) Demain, cela fera un an qu'il s'est levé pour défendre notre pays», a raconté à l'AFP Mariana Choulga.
Reprise par les troupes ukrainiennes en novembre, Kherson, dans le sud de l'Ukraine, vit pour sa part désormais au rythme des frappes russes.
«Tout a changé, la vie a basculé» depuis le début de l'invasion, explique Diana, une vendeuse de 31 ans qui dit «rêver que la guerre prenne fin, que mon enfant dorme chez lui» et non chez sa grand-mère, loin du front.
Près de 700 km à l'est de Boutcha, Kramatorsk a aussi enterré ses morts. Cette ville du Donbass est située près de Bakhmout, tenue par les Ukrainiens et épicentre des combats depuis des mois.

Sous un ciel gris, Mykhaïlo Sikirine a été inhumé dans un cercueil aux couleurs jaune et bleue de l'Ukraine. Membre de la Garde nationale, il a été tué à 30 ans dans une tranchée au cours d'un bombardement le 18 février, à Chipilovka, dans la région de Lougansk.
«Il est mort pour l'indépendance et la souveraineté de l'Ukraine», lance le prêtre devant la tombe: «C'est le plus grand sacrifice auquel tout homme aspire», ajoute-t-il.
À l'unisson, trois camarades du jeune homme tirent alors en l'air chacun trois coups de feu.
«C'est grâce aux actes de ces soldats que nous sommes ici en sécurité et en vie», déclare le prêtre, en regardant les drapeaux ukrainiens flotter au-dessus de 21 autres tombes elles aussi récemment creusées.