David Savard: «Ça a été plus émotif que je ne l’anticipais»

Marc de Foy
Un athlète n’est jamais vraiment préparé au moment où il tirera sa révérence. C’est un instant qui se vit. Les émotions prennent généralement le dessus. David Savard est passé par là lorsque le rideau est tombé sur la saison du Canadien et sur sa carrière, mercredi soir, à Washington.
«Ça a été plus émotif que je ne l’anticipais, déclare-t-il.
«J’ai essayé de me préparer. Je savais que ça s’en venait. Tu le sais. Mais en même temps, c’est quand même un peu plate.
«Tu gagnes bien ta vie, tu as grandi avec les gars qui t’entourent. On a fait quelque chose le fun ensemble cette année. On a poussé fort, on a réussi à prendre part aux séries.»
Chanceux de jouer 14 ans
Comme le dit Mike Matheson, tout sera à recommencer la saison prochaine. Savard ne sera toutefois plus là pour aider ses coéquipiers.
L’homme de 34 ans n’est pas triste. Il a séché ses larmes. Sa tête lui disait de continuer, mais son corps ne répondait plus aux dures exigences du métier de joueur de hockey.
Il faut du courage pour mettre fin à sa carrière si jeune.
N’est-ce pas frustrant?
«Pas tant que ça, répond Savard.
«J’ai été chanceux de jouer aussi longtemps [14 saisons] et d’avoir eu un rôle à jouer avec chacune des équipes avec lesquelles j’ai évolué.»
Choix de quatrième tour au repêchage de 2009, le solide gaillard originaire de Saint-Hyacinthe a joué 10 saisons avec les Blue Jackets de Columbus. En 2021, il a eu le bonheur de remporter la Coupe Stanley avec le Lightning de Tampa, qui a acquis ses services via les Red Wings de Detroit dans une transaction tripartite.
Quelques semaines plus tard, un autre de ses rêves devenait réalité, alors qu’il signait un contrat de trois ans avec le Canadien.
Une année de plus, une année de trop?
Aujourd’hui, sa carrière sportive est terminée.
«Quand ton corps te donne des signes, c’est le temps de te retirer, reprend Savard sans amertume.
«Si tu n’es pas prêt, pendant l’été, à fournir les efforts et à dépenser l’énergie nécessaire pour te préparer à une nouvelle saison, il vaut mieux que tu raccroches. C’est ce que je fais.
«J’aurais pu essayer de jouer une autre année, mais je ne sais pas si j’aurais tenu le coup.»
Accueil spécial à Dorval
Savard a rempli ses dernières obligations avec le Tricolore. Comme tous ses coéquipiers, il a eu sa rencontre de fin de saison avec Martin St-Louis, Jeff Gorton et Kent Hughes afin de dresser le bilan d’une campagne qui aura fait passer l’équipe et ses partisans par toute une gamme d’émotions.
Au cours des trois derniers jours, il a reçu les accolades de plusieurs joueurs et dirigeants frayant dans l’univers de la Ligue nationale de hockey. Alex Ovechkin et plusieurs autres joueurs des Capitals lui ont présenté leur respect à la fin de sa dernière rencontre. Il a reçu des courriels de partout à travers la LNH, même de joueurs qu’il ne connaît pas personnellement.
Jeudi, alors que l’avion ramenant l’équipe de Washington approchait du débarcadère, deux camions de l’aéroport de Dorval placés de chaque côté de l’aéronef ont actionné leur canon d’eau, créant un arc au-dessus de l’appareil.
Cet accueil est réservé habituellement à des commandants de compagnies aériennes qui viennent de piloter le dernier vol de leur carrière. Ce témoignage de respect a touché Savard, comme tous les autres qui lui ont été adressés.
Déception à la maison
À son arrivée à la maison, sa conjointe, Valérie, et leurs trois enfants, Emma, Elliot et Zachary, l’ont accueilli avec tous les égards dus.
«Disons que les émotions étaient partagées, raconte Savard.
«Les enfants sont déçus que ma carrière prenne fin, mais je serai toujours avec eux maintenant.»
C’est ce qu’il entend faire pour le moment.
«Revenir à une vie normale», espère-t-il.
Ça fait un bail que Savard n’a pas vécu ça.
À 17 ans, il quittait le nid familial pour Baie-Comeau, où sa carrière junior prit son envol. En cours de saison, il fut échangé aux Wildcats de Moncton, avec qui il passa trois ans et remporta la Coupe du président – connue maintenant sous le nom de trophée Gilles-Courteau – en 2010.
Il passa ensuite trois saisons avec les Falcons de Springfield, dans la Ligue américaine, période entrecoupée par un séjour de 31 matchs avec les Blue Jackets.
Ambiance à couper le souffle
À sa cinquième saison complète à Columbus, il a pris sous son aile un jeune homme nommé Pierre-Luc Dubois. Le sort a voulu que les deux se mesurent l’un à l’autre pour la première fois en séries lors de l’affrontement entre le Canadien et les Capitals.
«Parfois, on discutait de l’atmosphère qui règne pendant les séries à Montréal, relate Savard.
«C’est une chose d’en parler, mais c’en est une autre de le vivre sur la patinoire. Le fait d’affronter Pierre-Luc rendait l’évènement encore plus spécial. J’ai encore des frissons juste à en parler. Lui aussi [Dubois] a fait le saut en entendant la foule au Centre Bell.»
Savard ne sait pas pour le moment ce que l’avenir lui réserve. Il va prendre le temps de retomber sur ses pattes et de vivre en famille, les samedis inclus, ce que son emploi du temps ne lui permettait pas pendant la saison de hockey.
L’automne prochain, il regardera les matchs du Canadien des gradins au Centre Bell ainsi qu’à la télévision. Mais il serait prêt à servir l’organisation si une offre lui était présentée.
Cette équipe, il l’a toujours eue dans la peau. Comme le dit Réjean Houle: «Canadien un jour, Canadien pour toujours!»