«Cristaux guérisseurs»: une psychologue suggère des pierres à des cancéreux
Christiane Roy vante les mérites des petites pierres vertes et bleues
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Audrey Ruel-Manseau
2024-02-03T00:30:00Z
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Les pierres précieuses et autres cristaux peuvent traiter des symptômes du cancer, prétend une psychologue de Saint-Jean-sur-Richelieu. Christiane Roy, membre en règle de l’Ordre des psychologues du Québec, propage des croyances pseudoscientifiques et rencontre des patients dans un institut dont la mission est de promouvoir la lithothérapie.
En tapant «pierres guérison et cancer» dans Google, le premier résultat est un article intitulé «Lithothérapie et cancer sont-ils compatibles?».
Le texte est signé par «Kristiane Roy, lithothérapeute et psychologue» et il est publié sur le site de l’Institut Mandala du Bouddha de la Médecine (IMBM).
D’emblée, la psychologue écrit que la lithothérapie est une «science» qui peut «efficacement nous soutenir lors d’un cancer».
Écoutez l'entrevue avec Alexandre Moranville-Ouellet, journaliste à la recherche, via QUB :
Elle avance des théories telles que «les pierres et minéraux verts s’avèrent plus bénéfiques en cas de cancer» puisque «le vert élève le corps au-dessus de la vibration de la maladie»; les pierres bleues favorisent la guérison; le quartz chlorite offre un «support aux traitements de tumeurs»; et la pierre de prophétie «soutient efficacement lors des traitements de chimiothérapie».
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La lithothérapie est une croyance ancestrale de soins par les cristaux qui n’a jamais été scientifiquement prouvée.
Christiane Roy, psychologue, prétend que la lithothérapie est une science et explique comment s'en servir en cas de cancer.Photo tirée du site web de l'IMBM
«Pour moi, c’est inacceptable de signer un article comme ça avec son titre [de psychologue]», réagit Céline Castillo, psychologue et membre du conseil d’administration d’Info-Secte, à la lecture de l’article.
«Elle porte atteinte à la crédibilité de la profession, elle ne se base sur aucune étude scientifique et elle est en dehors de son champ d’expertise, parce qu'elle parle de l’aspect davantage médical que psychologique», décline Mme Castillo.
Depuis 2004, Mme Roy est membre de l’Ordre des psychologues du Québec, dont le code de déontologie oblige ses membres à exercer leur profession selon des principes scientifiques.
« La règle générale: quand on peut t'identifier comme psychologue, croire que tu es psychologue, ou te reconnaître comme psychologue, tu ne peux pas déroger à ton code de déontologie »
- Docteure Christine Grou, psychologue et présidente de l’Ordre des psychologues du Québec
Photo extraite du site de l'ordre des psychologues du Québec
Entre intérêts personnels et professionnels
Christiane Roy écrit des textes et des livres sous le pseudonyme «Kristiane Roy» ou avec Le Groupe des 5, un collectif d’auteurs formé de «thérapeutes» qui «pratiquent l’art de la thérapie par les pierres et les cristaux», dixit leur fiche d'auteur de la maison d’édition Paume de Saint-Germain, associée à l’IMBM.
La psychologue est aussi une étudiante de l’IMBM, elle participe aux activités de la Fondation Poorna-Jnana Yoga – située sous le même toit – et elle y anime elle-même des séances de méditation «pour aider ses clients», comme on peut le voir au calendrier des événements.
De plus, Christiane Roy rencontre ses patients en psychothérapie à l'IMBM, dont elle était jusqu’à tout récemment vice-présidente.
Ici, l'une des faces du dépliant des services proposés au 1206 boul. Saint-Luc, y compris la psychothérapie est offerte à l'IMBM.Photo JdeM
«Il ne faut pas que la vie personnelle [d’un psychologue] vienne interférer avec sa vie professionnelle», affirme la présidente de l’Ordre des psychologues.
Les psychologues ont aussi un devoir de «neutralité», y compris dans le choix de leur lieu de pratique.
«En fait, ce n'est pas le lieu qui est important, c'est l'indication que ça donne à la personne qui consulte, c'est le tort que ça peut causer à sa pratique en laissant potentiellement planer des fausses croyances. Ou encore c’est le déshonneur que ça peut faire sur la profession», explique la Dre Grou.
«Supposons que Raël achetait un immeuble et que l'immeuble est identifié au nom des Raéliens, puis vous allez louer un espace là [...], dans un endroit qui est apparenté à une secte vraiment non scientifique. Là, ça pourrait être délicat», donne-t-elle en exemple.
Un psychologue ne pourrait pas non plus être associé à un tel groupe et vendre ses services via leur site internet, poursuit-elle dans son cas exemple.
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Modifiée après notre entrevue
Claire Desrochers (alias Klaire D. Roy), fondatrice et directrice de l’IMBM depuis près de 20 ans, ne «pouvait pas dire» si des clients de Mme Roy fréquentent l’Institut pour d’autres motifs que la psychothérapie.
Elle a aussi réfuté que la psychologue en était la vice-présidente, bien que ce soit ce que la fiche de l’organisation au Registre des entreprises indique: «Je suis très surprise de ça», a-t-elle réagi, disant que ça devait être une erreur. Cette fiche a été modifiée après notre entrevue.
Après avoir confirmé que Christiane Roy «fait partie des étudiants» de l’IMBM et qu’elle «fait les méditations de pleine lune et tout ça», Mme Desrochers a déclaré que la psychologue «ne travaille pas avec les pierres et cristaux».
La page d’accueil du site web de l’IMBM présente la «psychothérapie» parmi les «diverses disciplines» de l’Institut, qui, est-il écrit, «regroupe des thérapeutes dont la solide formation les rend aptes à traiter avec les pierres et les cristaux».
«C'est elle qui le sait»
Questionnée sur les affirmations écrites non scientifiques de celle qui est son étudiante, locataire et vice-présidente et sur sa responsabilité déontologique, la directrice de l'Institut s’en est détachée.
Elle a d'abord dit que Mme Roy «n’a jamais écrit» que «la lithothérapie peut nous soutenir lors d’un cancer», avant de finalement répondre: «C’est elle qui le sait, au niveau de son code de déontologie. Il faudrait que tu la questionnes, elle.»
Christiane Roy a décliné notre demande d’entrevue. Son ordre professionnel n’a pu nous dire si une plainte a déjà été déposée contre elle ou si une enquête a déjà été faite par le syndic.
Plusieurs articles ont disparu du site web de l’IMBM depuis notre entrevue avec sa directrice, y compris «Lithothérapie et cancer sont-ils compatibles?».