«Cristaux guérisseurs»: elle se dit infirmière même si elle ne l’est plus depuis 30 ans
La directrice et fondatrice de l’Institut Mandala du Bouddha de la Médecine, Claire Desrochers, croit que les pierres peuvent soigner
Claire Desrochers est la directrice et fondatrice de l’Institut Mandala du Bouddha de la Médecine. Elle utilise aussi le pseudonyme Klaire D. Roy.Photo tirée de la page web de la maison d'édition Paume de Saint-Germain
Partager
Audrey Ruel-Manseau
2024-02-03T05:00:00Z
Partager
La directrice et fondatrice de l’Institut Mandala du Bouddha de la Médecine (IMBM), Claire Desrochers, utilise son titre d’infirmière alors qu’elle n’est plus membre de l’Ordre depuis 30 ans.
Claire Desrochers, alias Klaire D. Roy, se présente comme une infirmière dans sa fiche d’auteur des livres qu’elle signe aux Éditions Paume de Saint-Germain: « Klaire D. Roy est directrice de l’Institut Mandala du Bouddha de la Médecine, infirmière, auteure et conférencière recherchée», peut-on lire.
La fiche d'auteure de Claire Desrochers, alias Klaire D. Roy, la présente comme une infirmière.Capture d'écran du site web des Éditions Paume de Saint-Germain
Elle fait de même lors d’entrevues données à titre de directrice de l’IMBM et de spécialiste de la lithothérapie, notamment lors de son entretien avec notre Bureau d’enquête.
«Moi, je suis infirmière, OK. J’ai travaillé à Sainte-Justine pendant 10 ans... en fait, 7 ans, en néo-natalité, et j’ai décidé de bifurquer un peu», affirme-t-elle en racontant son parcours.
Bien qu’elle ait étudié en soins infirmiers et qu’elle ait pratiqué le métier à la fin du siècle dernier à l’Hôpital Sainte-Justine, Mme Desrochers a cessé d’être membre de l’Ordre des infirmières du Québec le 31 mars 1993.
«C’est effectivement une usurpation de titre [infraction pénale] si cette personne utilise le titre “infirmier ou infirmière”, alors qu’elle ou il n’est plus inscrit.e au Tableau de l’Ordre», a confirmé par courriel l’Ordre des infirmiers et infirmières du Québec.
Publicité
Une telle infraction pénale est passible d’une amende allant jusqu’à 62 500 $.
Écoutez l'entrevue avec Alexandre Moranville-Ouellet, journaliste à la recherche, via QUB :
Ainsi, Mme Desrochers devrait se présenter comme «ex-infirmière».
Pratique illégale de la médecine
En entrevue, Claire Desrochers n’hésite pas à affirmer qu’elle «traite» des patients avec les cristaux et que l’IMBM vend des produits naturels qu’elle recommande d’ailleurs à des personnes qui la consultent.
«C’est visible qu’une personne qui est stressée, qui ne dort pas, peut-être qu’un complément de vitamine B, ça lui ferait du bien», raconte-t-elle.
On voit ici la directrice et fondatrice de l’Institut Mandala du Bouddha de la Médecine, Claire Desrochers, effectuer un soin de lithothérapie.Photo tirée du site web de l'IMBM
Dans ses livres publiés aux Éditions Paume de Saint-Germain, elle recommande des pierres qui «soignent» et qui «soulagent» différents problèmes de santé. Par exemple dans Quartzthérapie, elle écrit d’utiliser des «boules de cuivre pour traiter les cas d’infection, de fièvre et de douleur en particulier».
«Comment voudrais-tu qu’on explique que [la pierre] lapis-lazuli va soutenir la glande thyroïde [...] si on n’utilise pas des mots qui peuvent aider à comprendre l’effet de la pierre?», défend celle qui est aussi vice-présidente de la maison d'édition.
Publicité
Mme Desrochers, de son propre aveu, patine sur une glace mince.
«Tu peux le marquer: “Ils prennent un risque”. Oui [...] qu’on peut être poursuivi pour pratique illégale de la médecine. OK. Mais, on a fait bien attention dans nos livres de dire que ça ne remplace pas la médecine.»
Amendes salées
Une notice en début de livre qui avise que les centaines de pages suivantes ne remplacent pas un avis médical ne suffit pas à déresponsabiliser l’auteur, selon le Collège des médecins (CMQ). Le président du CMQ invite la population à dénoncer ce genre de publications.
«Une plainte à ce sujet portée au Collège va être suivie d’une enquête, puis d’une analyse. Donc on ne laissera pas ça aller, sans aller voir ce qui s’y passe», a réagi le Dr Mauril Gaudreault, sans se prononcer directement sur ce cas.
« On fait des représentations aussi pour que les amendes qui découlent de ce type d’enquête là soient efficaces, puis soient à un tel niveau que ça puisse dissuader les personnes de continuer »
- Docteur Mauril Gaudreault, président du Collège des médecins
Photo d'archives
Les amendes pour usurpation de titre et pour exercice illégal de la médecine varient de 2500$ à 62 500$ par chef d’infraction.