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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Crise du logement: «Build, baby, build!» Vraiment?

Capture d'écran AssNat
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Photo portrait de Isabelle Maréchal

Isabelle Maréchal

2025-07-04T19:30:00Z
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Des milliers de logements ont changé de mains cette semaine. Beaucoup ont accepté de payer trop cher pour un logement plus petit, plus éloigné de leur travail, ou carrément délabré. D’autres vivent désormais dans leur voiture dans le stationnement d’un Walmart, ou su’l sofa d’une tante en région. Tous démunis face à une crise qui les laisse sur le pas de la porte, un pied en dedans, l’autre dans la rue. 

Cette crise intolérable est en train de nous péter en pleine face.

Pendant ce temps, la ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, ne jure que par une seule stratégie: construire, construire, construire. Un nouveau mantra que je traduis par Build, baby, build!, clin d’œil assumé au slogan pétrolier du président Trump, Drill, baby, drill!, version béton.

S’il manque de logements, se dit la ministre, il suffit d’en construire pour faire baisser les prix. Ce raisonnement économique de premier niveau occulte une réalité plus complexe: on ne manque pas de logements au sens large, on manque de logements abordables.

Des loyers que les gens peuvent payer sans se mettre à risque. Car la ministre Duranceau a tort d’affirmer que, «quand on a un enjeu de logement, ça découle d’autres situations». Un loyer trop cher, c’est souvent ça, le premier problème.

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Construire plus, mais pour qui? 

On bâtit surtout du condo, du locatif «de luxe»... des unités inaccessibles pour les familles de la classe moyenne. Qui peut s’offrir un petit quatre et demie à 1900$ par mois? Certainement pas les plus vulnérables qui n’ont plus nulle part où aller. On construit, oui. Mais pas pour ceux qui en ont le plus besoin.

Le gouvernement «bâtisseur» se positionne comme un simple facilitateur du privé. Il accélère les processus, simplifie les règlements, multiplie les incitatifs financiers pour les promoteurs. Tant mieux pour eux. Mais à quel prix?

Québec oublie que l’offre privée ne réglera jamais une crise d’abordabilité. Au contraire, en favorisant les promoteurs, Québec contribue à l’inflation immobilière.

Car le marché construit là où ça rapporte, pour ceux qui peuvent payer. Pas pour les autres. Les loyers vont donc continuer de grimper.

Construire autrement, oui! 

Le risque, c’est aussi de construire tout croche, du cheap, du laid, sans vision, ni planification cohérente, ni respect des milieux de vie. On s’étale, on densifie, on bétonne, sans penser services, mobilité, environnement.

Le vrai défi n’est pas de construire plus. C’est de construire autrement.

Il faut des politiques ambitieuses en logement social. On compte à peine 1% de construction dans ce secteur l’an dernier.

Il faut redonner un sens au terme «se loger», qui devrait être un droit fondamental, même dans notre économie de marché.

À répéter Build, baby, build! sans se demander pour qui, à quel prix et pour combien de temps, on bâtit une crise encore plus grande que celle qu’on veut résoudre.

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