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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Crise du logement: à un trio McDo d’être à la rue

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Photo portrait de Isabelle Maréchal

Isabelle Maréchal

2025-04-05T04:00:00Z
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Un locataire qui vient de recevoir une augmentation de loyer salée m’a contactée pour témoigner de sa situation. «Je suis à 20$ d’être dans la rue, m’écrit-il.» Vingt piasses. On n'a plus grand-chose à ce prix-là. Deux cafés et une boîte de beignes au Tim. Un trio au McDo. Un montant dérisoire pour certains. Pour d’autres, c’est la différence entre avoir un toit ou dormir dehors.

On s’indigne de la montée de l’itinérance partout au Québec. On prétend qu’elle n’a rien à voir avec la crise du logement. Avec les beaux jours, on va se remettre à dénoncer les campements qui poussent comme de la mauvaise herbe dans les parcs et sous les viaducs. On trouve ça «ben épouvantable» tous ces déchets humains qui salissent notre bonne conscience. Mais que fait-on? Toujours le même réflexe de déplacer le problème, au lieu de le voir à sa source: un marché locatif hors de contrôle.

Pire cette année

À Montréal, épicentre de cette crise, 15% des locataires rapportaient l’an dernier avoir vécu un épisode d’itinérance. Imaginez cette année! Il va en pleuvoir des tentes de fortune pour héberger la détresse des sans-logis.

Même hors des grands centres, la crise du logement frappe. Un couple de Saint-Anicet n’arrive pas à trouver un logement pour leurs neuf enfants à moins de 3000$ par mois. Impensable de mettre ce prix-là pour ces travailleurs de la classe moyenne. Certains n’ont d’autre choix que de vivre dans leur voiture.

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Les hausses de loyers dépassent largement le 5,9% recommandé par le Tribunal administratif du logement (TAL). Partout, c’est la loi sauvage du marché qui s’applique: peu d’offre, trop de demande. Les clients attendent des heures pour visiter un logement à peine potable. Le proprio t’aime pas la face? Next, au suivant!

• Regardez aussi ce podcast vidéo tiré de l'émission d’Isabelle Maréchal, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :

Pas de volonté politique

Les propriétaires se sont souvent plaints que les locataires avaient le bon bout du bâton face à la Régie du logement. Mais la situation s’est inversée. La majorité des locataires n’osent pas contester leur hausse de loyer au TAL. Ils ont peur que cela nuise à leur recherche future de logement. Car dès qu’un locataire dépose une plainte, son nom devient public. Et ce nom ne disparaît jamais. N’importe quel propriétaire peut consulter le registre et pénaliser un locataire qui a osé se défendre. C’est illégal, mais ça se fait.

Difficile, dit-on, d’encadrer des augmentations abusives. Québec Solidaire propose un seuil maximal de hausses de loyer au Québec. L’idée devrait être étudiée. Mais ça n’arrivera pas.

La ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, plus près des promoteurs que des locataires, a baissé les bras devant l’ampleur du problème. Madame la ministre, pourquoi livrez-vous le marché au plus offrant?

Ruba Ghazal l’a traitée de «Marie-Antoinette des pauvres». Au-delà de l’effet de toge, ça n’aide pas ceux qui rêvent d’un toit abordable. Ceux qui risquent de perdre la tête face à cette crise, ce sont les plus vulnérables qu’on décapite un loyer à la fois.

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