Emplois: il faut former les travailleurs qui seront menacés par l’automatisation ou l’intelligence artificielle

Gabriel Côté
La loi du 1%, qui oblige les entreprises à investir dans la formation des employés, ne répond plus aux besoins du marché du travail, préviennent des experts.
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«Il y a 810 000 travailleurs à requalifier au Québec, rappelle le fondateur de la société de développement de logiciels de formation Illuxi, Philippe Bertand, en entrevue avec Le Journal. Il est temps qu’on s’occupe des employés aussi.»

Ce chiffre correspond aux estimations de l’Institut du Québec, qui relevait en début d’année la fragilité d’un grand nombre de travailleurs québécois à l’automatisation.
Seulement dans le secteur de la fabrication, 59% des employés se trouveraient en position vulnérable face à l’importante transformation du monde du travail qui est en cours.
Les patrons d’abord
Or, à l’heure actuelle, ce ne sont pas ces travailleurs qui bénéficient des formations pour s’adapter à la nouvelle réalité, mais plutôt leurs patrons, comme l’indique un récent sondage de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA).
Les données montrent que le personnel de direction (24%) et le personnel des cadres et des professionnels (30%) disent suivre «beaucoup de formation», alors qu’à l’inverse le personnel administratif et technique (10%), le personnel de production (14%) et le personnel de ventes et services (11%) sont sous-représentés, même s’ils sont plus nombreux.

«Pour nous, cet écart est préoccupant, confie la directrice générale de l’Ordre, Manon Poirier. On a le devoir que tout le monde ait les compétences pour passer à travers les transformations qu’on vit. Alors on invite les organisations à ne pas négliger certains employés.»
Changer la loi
Pour s’attaquer à ce problème, l’Ordre propose de modifier la fameuse loi du 1%, qui oblige les entreprises dont la masse salariale annuelle dépasse les 2 M$, à investir 1% de celle-ci dans la formation de leurs employés.
Dans l’état des choses, une entreprise ne peut déclarer des dépenses que pour des formations en lien avec l’emploi qu’occupe la personne qui en bénéficie.
Ainsi, si une entreprise de soudure veut qu’un soudeur devienne chef d’équipe ou gestionnaire, elle est incitée par les règles en place à lui payer la formation après lui avoir donné une promotion.
«Elle peut le former avant, mais elle devra aussi faire d’autres dépenses pour être conforme à la loi, sinon elle devra faire un chèque au gouvernement», explique Mme Poirier.
De son côté, Philippe Bertrand croit aussi que cette règle doit changer.
«Il faut pouvoir former le soudeur avant qu’il devienne gestionnaire, sinon on risque de perdre le meilleur soudeur et de se retrouver avec un mauvais gestionnaire», précise-t-il.
Dans le même esprit, le CHRA propose que la déclaration des employeurs assujettis à la loi porte sur le nombre d’heures de formation plutôt que sur les coûts. L’organisation suggère également d’assujettir les entreprises à la loi en fonction du nombre d’employés plutôt qu’en fonction de la masse salariale.
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