Crimes sexuels: un ex-entraîneur de hockey sherbrookois aurait fait sept victimes dans trois fratries
Guillaume Cotnoir-Lacroix
Un ex-entraîneur de hockey sherbrookois accusé de crimes sexuels aurait fait sept victimes dans trois fratries, entre la fin des années 1980 et le début des années 2000.
Sylvain Taillefer subit son procès depuis lundi pour de multiples crimes sexuels allégués sur des jeunes garçons.
Il aurait fait 7 victimes, vers la fin des années 1980, au début des années 1990 et au début des années 2000, a-t-on appris, lors de la première journée des procédures.
La première victime, un ex-hockeyeur européen, a eu Sylvain Taillefer comme entraîneur dès l’âge de 10 ans. M. Taillefer s’était alors exilé à l’étranger pour pratiquer son métier. TVA Nouvelles évite volontairement de mentionner le pays pour éviter que la victime ne puisse être identifiée.
«Pendant un entraînement, il m’a dit que je pourrais passer chez lui un samedi et qu’on jouerait ensemble. On parlait de hockey et on jouait à plein de jeux. Pour moi, c’était un honneur d’avoir une relation privilégiée avec un entraîneur de hockey canadien», a lancé la victime.
La victime alléguée, aujourd’hui plus mature et confiante qu’à l’époque des faits allégués, a témoigné avec aplomb par visioconférence à partir de son pays. L’homme a expliqué avoir développé une relation de confiance avec l’accusé, dans les années 1990. Il allait souvent passer du temps chez lui. Lors de l’une de ces visites, l’accusé est à un moment revenu de la salle de bain en caleçon.
«Il a commencé à se masturber. Il m’a demandé si j’avais déjà fait ça. Il m’a dit «tu sais, c’est tout à fait normal en tant qu’homme de faire ça», a expliqué la victime alléguée.
Il estime que ce même manège de M. Taillefer a pu se produire «entre cinq et six fois sur une période d’un an, un an et demi», a-t-il aussi raconté.
Celui qui était un garçon à l’époque a aussi raconté avoir voyagé au Canada à trois occasions dans les années 1990, pour des camps de hockey.
«C’est [Sylvain Taillefer] qui organise le voyage, c’est lui qui m’invite parce qu’il me dit que je suis assez talentueux au niveau du hockey sur glace. C’est aussi ce qu’il explique à ma maman», a-t-il raconté par Teams.
Lors du premier voyage, il aurait dormi chez les parents de l’accusé, à Salaberry-de-Valleyfield.
«On dort dans la même chambre, Sylvain et moi. On dort dans le même lit, un grand lit double. C’est aussi quelque chose dont je me souviens très bien. Je me souviens qu’il y avait possibilité de dormir dans deux chambres, mais on dort dans le même lit», a souligné la victime.
«Je suis un peu surpris, un peu craintif, parce que j’ai peur qu’il se passe quelque chose. Mes craintes vont être malheureusement fondées.» - une victime alléguée de Sylvain Taillefer
Le garçon aurait été touché par Taillefer alors qu’il était endormi, l’accusé allant jusqu’à le caresser sous son caleçon.
Le premier séjour au Canada aurait duré entre 10 jours et trois semaines selon la victime.
«Je ne veux pas dire que ça s’est passé tous les matins, mais en tout cas au moins un matin sur deux», a-t-il aussi estimé.
Les abus sexuels auraient pris de l’ampleur lors des deuxièmes et troisièmes séjours de la victime au Canada, toujours en présence de l’accusé. M. Taillefer aurait fait des fellations à la victime en plus de lui demander de faire de même, ce que la victime aurait fini par faire.
«Chaque fois, il passe ça sur le fait que c’est de l’amour, qu’il est amoureux de moi. Il me demande si je l’aime. C’est comme si c’était une relation homosexuelle. Moi, à chaque fois, je culpabilise et pour éviter qu’il insiste et revienne chaque fois avec ses questions, son chantage, je dis ce qu’il veut entendre», a indiqué le témoin.
De retour dans son pays avec toujours M. Taillefer comme entraîneur, la victime aurait aussi été sodomisée «à trois ou quatre reprises» par l’accusé.
«Ça continue, c’est-à-dire que pour lui c’est une relation amoureuse et pour moi, c’est très difficile de m’expliquer cette relation. C’est une relation limite homosexuelle. Pour moi, aujourd’hui, c’est clairement une relation d’abus», a-t-il analysé avec le recul.
La victime a aussi expliqué avoir décidé de mettre un terme définitif à cette relation avec l’accusé vers l’âge de 18 ou 19 ans, après avoir rencontré une femme de laquelle il est tombé amoureux.
«Je lui annonce que c’est terminé, que je ne veux plus jamais entendre parler de lui», a expliqué le témoin.
«Il m’a offert trois voyages au Canada. Dans mon pays, on a souvent mangé au restaurant. Il a toujours réussi à m’acheter en fait [...] Aujourd’hui, je sais qu’une relation avec un gamin de 10 ans, ce n’est pas normal. C’est ce qu’il a essayé de me faire croire pendant presque 10 ans.» - la première victime alléguée à témoigner lors du procès
La Couronne, au cours des audiences, tentera de présenter une preuve de faits similaires en faisant entendre les sept victimes alléguées.
«La poursuite tente de mettre en preuve que l’accusé a utilisé le même modus operandi auprès de toutes les victimes, donc le même mode de fonctionnement pour créer un climat d’intimité auprès des victimes, des victimes du même sexe, du même âge, dans un contexte où M. Taillefer était entraîneur de hockey. Ces faits similaires là pourront nous aider à corroborer nos événements», précise Me Laïla Belgharras, procureure aux poursuites criminelles et pénales au dossier.
Sept victimes issues de trois familles
La sergente détective Maryline Gilbert du Service de police de Sherbrooke a été la première témoin entendue dans le cadre du procès. Elle a expliqué qu’une première victime alléguée avait décidé de porter plainte contre Taillefer en janvier 2024. Lors de l’entrevue vidéo réalisée, la victime a indiqué avoir été la cible de crimes sexuels de la part de l’accusé, en plus d’indiquer que ses deux frères avaient aussi été victimes.
Les entrevues réalisées avec les trois frères, ainsi qu’avec le père de ceux-ci, ont mené à l’arrestation de Sylvain Taillefer le 29 février 2024. Le jour même, le SPS, via son porte-parole, a envoyé un communiqué de presse et la nouvelle de l’arrestation a été largement médiatisée.
Peu de temps après la parution des premiers reportages et articles, un autre homme communique avec les policiers pour indiquer qu’il a lui aussi été victime de Sylvain Taillefer, a expliqué la sergente détective. Il indique qu’il a lui aussi un frère ayant été victime du même individu. Les deux décideront de porter plainte.
Finalement, un mois plus tard, en avril 2024, les policiers reçoivent un appel d’un autre homme désirant porter plainte contre Sylvain Taillefer «concernant des abus sexuels vécus». Il expliquera lui aussi avoir un frère ayant été pris pour cible par l’accusé.
«Aucune des fratries ne se connaissent entre elles», a indiqué la policière, qui a fait des recherches sur le site spécialisé EliteProspects pour retracer l’historique de Taillefer comme entraîneur.
En contre-interrogatoire, l’avocat de Taillefer, Me Adam Fontaine-Métivier, a posé plusieurs questions à la sergente détective quant aux adresses où aurait pu habiter Sylvain Taillefer dans les années 80 et 90.
La mère de la victime alléguée qui a témoigné en après-midi avait aussi été entendue un peu plus tôt dans la journée. Elle avait expliqué comment la relation entre elle, M. Taillefer et ses fils avait commencé.
«Ça a débuté gentiment, il a commencé à me ramener les enfants de la patinoire. On a discuté, il était vraiment sympa, gentil et tout. Comme il était tout seul quelque part, de temps en temps il venait chez nous. La relation elle a commencé comme ça. J’avais l’impression d’être un peu sa maman», a raconté la dame.
«J’ai l’impression que c’était un grand frère quelque part», a-t-elle expliqué. M. Taillefer a pu entrer dans la résidence après «une année, ou peut-être moins», a lancé la mère de famille.
En répondant aux questions de la procureure de la Couronne, la mère a indiqué qu’elle n’avait aucune raison de douter des intentions de M. Taillefer quand elle a laissé partir deux de ses enfants avec lui en voyage au Canada.
«Il était tellement proche de nous. C’était comme un grand gamin pour moi, comme un fils de substitution [...] Comme on était très liés, je n’ai pas pensé à mal quelque part. Je n’ai pas eu l’idée qu’il puisse se passer quelque chose. J’avais une confiance totale», a-t-elle indiqué. La mère de famille a aussi indiqué au tribunal que l’accusé n’avait jamais dormi dans leur maison.
Les audiences se poursuivront mardi matin.