Crime organisé: une flambée de conflits aux quatre coins du Québec

Voici cinq cas de violence armée ou de conflits impliquant des gangs émergents qui ont éclaté à travers le Québec, depuis quelques années, et qui «désorganisent» le crime organisé traditionnel. Ces nouveaux gangs cherchent d’abord et avant tout à faire leur place au soleil dans le très lucratif marché des stupéfiants. Certains font aussi dans le trafic d’armes, le proxénétisme, ou les fraudes.

Québec: le BFM en guerre contre les Hells

L’improbable guerre qu’un petit gang de trafiquants de drogue récalcitrants a entrepris de livrer au puissant mais vieillissant chapitre des Hells Angels de Québec dure maintenant depuis plus d’un an et demi, dans la région de la capitale nationale. La violence de ce conflit armé connaît une escalade.

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Dirigé par le jeune caïd Dave «Pic» Turmel, le Blood Family Mafia (BFM) a commencé par tirer des coups de feu sur des propriétés des Hells. Puis, l’un de ses soldats a péri quand l’un des rapts que la bande a perpétrés pour torturer des trafiquants à la solde des motards a mal tourné, dans Bellechasse.

Et à la mi-septembre, un adolescent de 14 ans, lié au gang montréalais Everybody Gets Killed, est mort en tentant une attaque contre le repaire des Hells à Frampton, en Beauce.

Exilé à l’étranger pour fuir la police, Turmel continue de mener ses troupes avec l’aide de gangs de Montréal et d’un caïd saguenéen. La marmite continue de bouillir malgré des dizaines d’arrestations effectuées par les policiers, dont celle du bras droit de Turmel, qui a été capturé au Portugal, ainsi que la saisie récente du repaire des motards à Frampton.

Saguenay: caïd recherché et récompense de 250 000$

Le 8 octobre dernier, la Sûreté du Québec annonçait que la récompense offerte à toute personne pouvant mener les policiers à la capture du caïd All Boivin était augmentée de 100 000$ à 250 000$. C’est une somme record pour un cas semblable au Québec.

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À l’instar de «Pic» Turmel à Québec, Boivin dispute aux Hells Angels le marché des stupéfiants au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Ce trafiquant de 34 ans, qui vivrait sous de fausses identités, se cache lui aussi des forces policières qui l’ont inscrit sur la liste des 10 criminels les plus recherchés au Québec. Le clan de Boivin collaborerait d’ailleurs avec celui de Turmel.

Le contrôle du marché des drogues dans cette région est exercé par Bernard Plourde, un vétéran membre en règle des Hells du chapitre de Trois-Rivières et originaire du Saguenay. En juin dernier, le motard de 60 ans a eu une preuve du sérieux de cette guerre territoriale quand les autorités fédérales ont décidé de le ramener au pénitencier pour sa propre sécurité. La libération conditionnelle de Plourde a été suspendue – il a écopé de sept ans d’incarcération en 2020 pour gangstérisme mais fut libéré en 2023 – après que la Sûreté du Québec l’eut avisé qu’elle détenait des renseignements voulant que sa vie soit en danger.

Laval: le patron mafieux de la discipline tiré chez lui

L’une des premières manifestations de la turbulence qui secoue présentement le crime organisé remonte à trois ans, dans le quartier Duvernay, à Laval.

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L’après-midi du 21 septembre 2021, un tireur relié aux Bleus (gangs de rue) fait irruption au domicile de l’homme chargé d’assurer la discipline au sein de la mafia montréalaise, Davide Barberio.

Alors considéré comme une étoile montante de la mafia, Barberio y assumait le rôle de «patron de la rue» et ne se doutait sûrement pas qu’un homme maniant un pistolet muni d’un silencieux oserait se présenter dans le garage de sa résidence, en plein jour, pour s’en prendre à lui. Par surcroît, Barberio se trouvait en compagnie de ses deux enfants âgés de 10 et 14 ans quand le tireur a ouvert le feu en sa direction, l’atteignant à deux reprises au haut du corps.

À une époque pas si lointaine, dans ce milieu, on respectait une règle non écrite voulant qu’on n’exécute jamais un contrat de meurtre en présence des enfants de la personne ciblée. Le mafioso de 42 ans a survécu à ses blessures.

Notre Bureau d’enquête a diffusé des images du suspect armé, filmé par des caméras de surveillance. Gahens Lee Souverain, 23 ans, et un complice allégué, McLee Charles, 38 ans, sont accusés de tentative de meurtre et doivent revenir en cour la semaine prochaine.

Montréal: le clan Rizzuto attaqué par l’un de ses ex-lieutenants

Le 15 mars 2023, Leonardo Rizzuto, fils du défunt parrain Vito Rizzuto, conduit sa Mercedes noire sur l’autoroute 440 lorsqu’il est la cible d’une rafale de tirs provenant d’un autre luxueux véhicule en mouvement.

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Huit projectiles transpercent sa portière et la vitre du côté conducteur. L’avocat de 53 ans, que la police considère comme l’un des dirigeants du clan mafieux sicilien, est blessé mais trouve le moyen de fuir ses assaillants. Le clan Rizzuto ne met pas de temps à identifier un suspect derrière cette attaque. Il s’agit d’un de ses anciens lieutenants, Francesco Del Balso, qui était l’un des dirigeants du lucratif réseau de paris sportifs illégaux de la mafia quand les policiers de la GRC l’ont arrêté en 2006 dans l’opération Colisée.

Del Balso a écopé d’une peine de 15 ans et après sa libération, il aurait vainement cherché à reprendre sa place dans le contrôle des paris, qui génèrent environ une trentaine de millions de dollars en profits nets par année.

Il avait aussi échappé à une tentative de meurtre en novembre 2022. Mécontent, le mafioso de 53 ans se serait alors associé avec des Hells Angels du chapitre de Montréal pour tenter de ravir au clan Rizzuto le contrôle des paris sportifs clandestins, selon la thèse des policiers. Sa tête a d’abord été mise à prix pour un quart de million après la fusillade contre Rizzuto.

Puis, l’après-midi du 5 juin 2023, Del Balso a été tué d’une balle à la tête près de l’entrée du Monster Gym à Dorval. D’après les forces de l’ordre, l’affaire a jeté un froid qui ne s’est pas encore dissipé entre les Hells et le clan Rizzuto, des alliés en affaires de longue date.

Laurentides, Outaouais, Est de l’Ontario: un gang de trafiquants incendiaires

En début d’année, un autre gang émergent a aussi fait la vie dure aux Hells Angels en Outaouais et dans les Laurentides. Là encore, l’enjeu du conflit demeurait le contrôle du marché de la drogue.

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Ce gang d’allégeance rouge s’appelle le SBJ, en référence aux trafiquants qui l’auraient fondé, soit Maxime Séguin, Mathieu Berthiaume et Dominic Jarry. Selon La Presse, le SBJ aurait notamment ciblé le porte-couleurs des Hells qui assume le contrôle de ce marché dans la MRC d’Argenteuil, Daniel-André Giroux.

Un commerce de pêche et un bâtiment de ferme appartenant à ce dernier ont flambé, le 17 février. Le SBJ aurait allumé 13 autres incendies criminels dans ces régions pendant l’hiver. Au printemps, des coups de feu ont aussi été tirés sur la résidence d’une innocente victime, qui porte le même nom qu’un membre du SBJ, à Hawkesbury, en Ontario.

La Sûreté du Québec, la Police provinciale de l’Ontario et le Service de police de la Ville de Gatineau ont mené une opération conjointe en mai, procédant à six arrestations, dont celles des trois leaders présumés du gang.