Crime organisé: le policier ripou Benoît Roberge arrêté grâce au bras droit d’un Hells
Jean-Louis Fortin et Félix Séguin | Bureau d'enquête
L’ex-policier ripou Benoît Roberge, emprisonné pour avoir vendu aux motards des informations privilégiées sur les enquêtes, a été épinglé après que le bras droit du Hells Angels René Charlebois se fut mis à table.
- Ne manquez pas, à partir de midi, des extraits inédits de la vidéo enregistrée par René Charlebois
Ce précieux informateur qui a permis l’arrestation de Roberge en 2013, c’est Patrick Péloquin. Près de 10 ans après les événements, Péloquin sort de l’ombre et révèle comment il a permis à la Sûreté du Québec de passer les menottes à l’ancien enquêteur spécialiste des motards criminalisés lorsqu'il travaillait au Service de police de la Ville de Montréal.
L’homme de 41 ans a accordé une longue entrevue à notre Bureau d’enquête, qui sera diffusée vendredi soir à 21h30 à l’émission J.E sur les ondes de TVA.

Il raconte en détail une stupéfiante séquence d’événements à partir de la mi-septembre 2013, lorsque René «Balloune» Charlebois s’est évadé de prison, et qui culmine moins d’un mois plus tard avec l’arrestation de Roberge.

Lien de confiance
Péloquin était encore enfant lorsqu’il a gagné la confiance de Charlebois, qui avait acheté une maison en face de chez lui à Sorel au tournant des années 1990. Il raconte qu’il a effectué de nombreux petits boulots pour lui. Vente de drogue, transport d’armes, jusqu’à gérer ses entreprises lorsque le membre en règle des Hells Angels était incarcéré.
Vingt ans plus tard, il était encore aux premières loges lorsque Charlebois a tissé, depuis le pénitencier, des liens étroits avec Benoît Roberge. C’est même lui qui faisait les livraisons d’argent comptant pour Roberge, en guise de paiement pour les informations qu’il fournissait à Charlebois sur les enquêtes policières.

Et bien que Roberge ait finalement reconnu avoir touché 125 000$ pour sa collaboration illicite avec les criminels, Péloquin assure lui avoir remis beaucoup plus.
«D’après tout ce que je peux calculer rapidement, y’a eu probablement un demi-million en totalité», affirme-t-il, en énumérant la liste des paiements qu’il dit avoir lui-même effectués.
Évasion
En septembre 2013, Charlebois, incarcéré pour meurtre et gangstérisme depuis l’opération Printemps 2001, à laquelle Roberge avait grandement contribué, s’évade du pénitencier à sécurité minimum Leclerc, à Laval. Il veut régler ses comptes avec Roberge, en qui il n’a plus confiance. Avec l’aide de Patrick Péloquin, il a même pris soin d’enregistrer les conversations téléphoniques dans lesquelles le policier lui donne de l’information ultraconfidentielle en échange d’argent.

Patrick Péloquin l’aide dans sa cavale, mais René Charlebois sait qu’il est traqué et que ses jours sont comptés. Caché dans un chalet que son homme de main a loué près de Sorel, il enregistre une vidéo de 1h40 dans laquelle il raconte tout de sa collaboration avec Roberge. Il se donne la mort quelques heures plus tard.
Écoutez le segment judiciaire avec Félix Séguin diffusé chaque jour en direct 8 h 35 via QUB radio :
Digne d'un film
Mais la Sûreté du Québec est sur la trace de Péloquin. Lorsqu’elle vient l’arrêter le lendemain pour sa complicité dans l’évasion du Hells, Péloquin se met à table. Il apprend à la police que Roberge est en fait un ripou et qu’il existe des enregistrements pour le prouver.
Soudainement, le rapport de force vient de changer.
«Ils m’ont dit: “t’es chanceux, on portera pas d’accusation contre toi”», se souvient-il, affirmant de plus que la police lui a fait miroiter «des millions [de dollars]» en échange de sa collaboration.

La suite est digne d’un film d’action. En l’espace de quelques heures, Péloquin accompagne la police dans un camping de Saint-Jean-Baptiste-de-Rouville, en Montérégie, pour récupérer les fameux enregistrements dans lesquels on entend Roberge trahir sa profession de policier. Les enquêteurs n’en croient pas leurs yeux ni leurs oreilles. Leur nouveau collaborateur disait vrai.
Roberge piégé
En vertu d’un plan élaboré par les enquêteurs, Péloquin appelle ensuite Roberge et lui offre de récupérer les enregistrements compromettants en échange de 50 000$. «Il a accepté tout de suite», se remémore-t-il.
À ce moment, c’est du haut des airs que la police suit les moindres déplacements en voiture de Roberge. Lorsqu’il se présente à l’heure convenue dans un stationnement du Quartier Dix30, à Brossard, avec une enveloppe d’argent, il est piégé par les enquêteurs. Il écopera éventuellement de huit ans de pénitencier.
Du haut d’une chambre d’hôtel qui surplombe le stationnement, Péloquin a assisté à toute l’opération. «[C’était] tout un spectacle», conclut-il.
– Avec la collaboration de Éric Thibault
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