Crime organisé: la cocaïne à son plus bas prix depuis 40 ans à Montréal
Le coût du kilo est passé de 50 000$ à 18 500$
Marc Sandreschi, Félix Séguin et Eric Thibault
La cocaïne, qui est considérée comme la «vache à lait» des Hells Angels du Québec et la drogue illicite la plus prisée au pays, n’a jamais été si peu chère à Montréal depuis plus de 40 ans.
Des narcotrafiquants ont ainsi pu se procurer un kilo de coke pour la somme de 18 500$, le mois dernier, d’après des sources de notre Bureau d’enquête.
C'est du jamais vu depuis l’apparition de cette drogue sur le marché nord-américain des stupéfiants, dans les années 1980, où la coke a vite atteint des sommets de popularité.
- Écoutez l'entrevue avec Jessica Turmel, consultante et formatrice en dépendance au micro d’Alexandre Dubé via QUB :
Baisse de 63%
Cela représente une véritable aubaine de 63% par rapport au prix de 50 000$ le kilo, que des représentants des Hells Angels et du clan Rizzuto avaient conjointement fixé au terme d’une réunion dans un restaurant de Laval, le 21 juin 2000.
Les Hells, après six ans de guerre sanglante avec les Rock Machine qui a fait plus de 160 morts au Québec, et le clan dominant de la mafia italienne s’étaient alors entendus pour hausser les prix du kilo et du quart de gramme de cocaïne de 20% sur le marché québécois.
Le prix du kilo de cocaïne – qui, une fois coupée avec d’autres substances pour en augmenter la quantité tout en réduisant son degré de pureté, peut générer un total de 15 000 doses – s’est ensuite maintenu autour de 50 000$ durant la majorité des deux dernières décennies.
Sauf quand la pandémie de COVID-19 a frappé au printemps 2020.
Cette année-là, le prix du kilo de coke à Montréal avait explosé en quelques mois pour atteindre 72 000$, conséquence des restrictions décrétées à nos frontières qui ont provoqué une chute des importations de drogue au Canada.

Réduflation
Le prix du quart de gramme vendu sur le marché de la rue a lui aussi baissé à 20$, au cours des derniers mois, alors qu’il se transigeait à 25$ depuis près de 24 ans.
Toutefois, les policiers constatent que le marché de la coke est frappé par une variante de la «réduflation», cette stratégie commerciale caractérisée par la réduction du volume de certains aliments mis en vente aux mêmes prix qu’auparavant sur les tablettes de nos supermarchés.
«Avant, le quart de gramme pesait 0,25 g. Maintenant, il pèse 0,17 g. Le prix a baissé mais la quantité aussi», a fait remarquer une de nos sources.
Habituellement, des opérations policières ponctuées d’importantes saisies de stupéfiants créent une rareté du produit en circulation et donc, un mouvement des prix à la hausse.
Mais pas cette année.
Le prix de la «brique» de cocaïne a même continué à descendre au cours des dernières semaines, même si la police de Montréal a réussi à confisquer plus de 200 kg de cette drogue aux trafiquants locaux lors de quelques perquisitions fructueuses menées depuis deux mois, dont la plus récente a été effectuée lundi soir dans le Vieux-Montréal.
Un marché noir inondé
Le marché québécois de la cocaïne serait présentement saturé par une offre trop généreuse de cette drogue populaire.
C’est le constat brossé par des sources de notre Bureau d’enquête, que certains organismes des forces de l’ordre prévoyaient d’ailleurs depuis quelques années.
Les Hells Angels, qui détiennent le contrôle de ce marché illicite au Québec, semblent l’avoir appris à leurs dépens.
Selon nos informations, les Hells et d’autres groupes du crime organisé au sommet de la chaîne d’approvisionnement du marché tenteraient même d’essayer de renverser la tendance et de créer artificiellement une rareté du produit en prolongeant l’entreposage de leurs kilos de poudre blanche dans des cachettes afin de faire monter les prix.
Production record
En 2022, la Colombie, premier producteur mondial de cocaïne devant le Pérou et la Bolivie, a établi de nouveaux records en cultivant 230 000 hectares de feuilles de coca et en produisant 1738 tonnes de cocaïne.
Déjà en 2021, l’Agence des services frontaliers du Canada notait dans un rapport que la pandémie avait entraîné «une hausse de la demande de cocaïne» chez les consommateurs.
L’Agence prévoyait alors que les quantités de cocaïne importées illégalement ici allaient donc augmenter dans le futur, que ce soit par les voies terrestres, maritimes, aériennes ou postales.
Les cartels colombiens et mexicains, de pair avec leurs partenaires du crime organisé, inondent également le marché de la coke en Europe où les autorités portuaires ont réalisé des saisies sans précédent en 2022.
«C’est un tsunami», imageait le patron de la police judiciaire fédérale belge, Eric Snoeck, en commentant les 116 tonnes de coke confisquées au port d’Anvers cette année-là, dans un reportage de l’Agence France-Presse.
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