Gregory Woolley, le «parrain des gangs», aurait lui-même éliminé deux membres des Rouges opposés à ses volontés
Le tueur à gages Frédérick Silva l’a dénoncé en collaborant à la plus grosse enquête policière en cours au pays
Eric Thibault, Maxime Deland et Félix Séguin
Le défunt caïd Gregory Woolley aurait lui-même éliminé deux leaders de gangs de rue montréalais parce qu’ils refusaient de travailler avec les Hells Angels, en plus de l’avoir humilié devant des motards.
C’est le tueur à gages Frédérick Silva, témoin clé de la police de Montréal et de la Sûreté du Québec dans la plus importante enquête criminelle en cours au pays, qui l’a identifié comme auteur allégué des meurtres de «Big» Chénier Dupuy et de Lamartine Sévère Paul, selon des informations obtenues par l’Agence QMI et notre Bureau d’enquête.
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Ces deux vétérans des Rouges furent assassinés par balles à l’été 2012.

Silva, qui pourrait aider les enquêteurs du projet Alliance à élucider 65 complots de meurtre, leur a aussi appris que Woolley aurait commandé l’assassinat du Hells André Sauvageau, empoisonné au fentanyl alors qu’il était en prison, en 2019, comme nous le rapportions mercredi.
Silva a incriminé Woolley même si celui qu’on appelait «le parrain des gangs» était son meilleur client quand venait le temps de régler des comptes dans le monde interlope.

Giflé devant des Hells
Condamné en 2022 pour trois meurtres, Silva a ainsi corroboré des soupçons qui circulaient dans le milieu criminel depuis longtemps.
Woolley, un ex-membre des Rockers Montréal et le seul Noir à avoir porté les couleurs d’un club-école des Hells au Québec, avait eu maille à partir avec Dupuy, le chef des Bo-Gars, lors de deux altercations survenues dans des bars à Sainte-Adèle et au centre-ville de Montréal durant l’été 2012, selon nos sources.
Dupuy, qu’on surnommait «Big», aurait même giflé Woolley sous les yeux de quelques Hells présents au Solid Gold, rue Sainte-Catherine, en clamant qu’il ne travaillerait jamais avec les motards comme un «licheux de bécyc».

En l’espace de sept heures
«Les bikers auraient dit à Greg de régler le cas à «Big» s’il ne voulait pas perdre son standing et le respect de la rue», peut-on lire dans des documents judiciaires de l’enquête Magot, menée entre 2013 et 2015, où l’on cite des informateurs de police.
Le 10 août 2012, à 18h52, Dupuy s’est fait cribler de balles par un suspect de race noire dans le stationnement des Galeries d’Anjou, près du restaurant Bâton Rouge.
Puis, à 2h21 dans la nuit du 11 août, la police fut avisée par un appel au 911 que Lamartine Sévère Paul, un proche de Dupuy, gisait dans les marches de son domicile, à Laval, après avoir été mortellement atteint de plusieurs projectiles.

Rôles renversés
Les déclarations de Frédérick Silva permettront aux policiers de classer ces deux affaires de meurtre comme résolues, mais le suspect ne sera jamais accusé.
Gregory Woolley a lui-même été tué par balles, le 17 novembre 2023, devant sa conjointe et leur bébé, dans le stationnement du CLSC de Saint-Jean-sur-Richelieu.

Selon nos informations, les policiers soupçonnent, notamment, le gang montréalais Arab Power d’avoir trempé dans cet assassinat.
– Avec Marc Sandreschi et Jean-Louis Fortin, Bureau d’enquête
Le caïd rêvait d’une alliance depuis longtemps
Gregory Woolley rêvait depuis longtemps d’unifier les gangs de rue montréalais d’allégeance rouge et bleue afin de les inclure dans une alliance d’affaires avec les Hells Angels et la mafia italienne.
Selon nos informations, Woolley en avait d’ailleurs parlé à l’ex-leader des Hells Angels Maurice «Mom» Boucher, en 1998, quand ce dernier l’a promu membre des Rockers Montréal, le plus violent des clubs-écoles de la bande de motards.
Mais Woolley a dû mettre son projet sur la glace, ayant passé la quasi-totalité des 13 années suivantes derrière les barreaux, notamment après s’être reconnu coupable de complot pour meurtres dans l’opération Printemps 2001.
Le caïd a toutefois remis son plan sur les rails dès sa libération en juillet 2011.
Un an plus tard, le rêve de Woolley ne faisait toujours pas l’unanimité chez les Rouges.
Mais à peine trois semaines après les meurtres de Chénier Dupuy et de Lamartine Sévère Paul, le «parrain des gangs» a donné aux policiers un indice que l’alliance des forces qu’il rêvait de conclure venait finalement de se concrétiser.

Le 2 septembre 2012, aux obsèques du Hells Gaétan Comeau, à Montréal, les policiers furent estomaqués de voir Woolley arriver en compagnie de l’avocat du clan Rizzuto Loris Cavaliere à bord de la rutilante Ferrari de ce dernier.
Cette alliance des factions du crime organisé ne tient plus la route depuis plus de deux ans, d’après nos informations.
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