Flambée des prix, concurrence étouffante: un agriculteur lance un cri du cœur
Il craint que le maraîcher soit délaissé au profit d’autres cultures moins risquées


Francis Halin
Flambée des prix de l’engrais, concurrence étouffante, programmes d’aide mal adaptés... Un agriculteur des Laurentides lance un cri du cœur pour que les maraîchers puissent passer à travers la crise.
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«C’est une crise. Je n’aurais pas dit cela il y a deux ou trois ans. Il y aura beaucoup de détresse psychologique à la fin de l’année si ça ne change pas», s’inquiète à voix haute Pascal Lecault, président des Jardins Vegibec, à Oka.
Au Journal, l’homme d’affaires insiste : il encaisse encore le choc, mais ses marges fondent comme neige au soleil, et les agriculteurs plus petits que lui, qui n’ont pas 20 millions $ de chiffre d’affaires, vivent un vrai calvaire.
Depuis l’automne 2021, les agriculteurs ont vu le prix de leurs intrants exploser jusqu’à 50 %, ce qui leur laissera une facture de 1,5 milliard $ à éponger d’ici la fin de l’année, selon l’Union des producteurs agricoles (UPA).
«On vend des zucchinis au même prix qu’il y a 10 ans. Voyons donc. Ça n’a pas d’allure, alors que nos coûts de production ont bondi», soupire-t-il.
Aujourd’hui, sa caisse de 20 livres se vend 10 dollars. Il y a 20 ans, on la vendait 8 dollars, illustre-t-il. Sans parler du simple contenant, qui est passé de 60 cents à 2,10 $ chacun.
Chou-fleur espagnol
En plus du prix de l’engrais qui flambe depuis la guerre en Ukraine, la concurrence ontarienne, californienne, mexicaine et même européenne vient jouer les trouble-fêtes en devenant de plus en plus agressive.
«En plein été, s’il manque de choux-fleurs, ils en font venir de Californie ou d’Espagne. Comme si le monde ne pouvait pas vivre une semaine sans choux-fleurs, c’est complètement ridicule», observe-t-il.
Après les asperges de l’Ontario tassées au profit des québécoises plus tôt cette saison, Pascal Lecault a fait comme d’autres et s’est résigné à détruire une récolte de laitue pour éviter de la vendre à perte.
«On a perdu l’équivalent de 26 000 boîtes de laitue. On n’était pas capables d’avoir un prix. On se fait offrir 8 dollars la boîte, alors que juste le contenant coûte 4,25 $», se désole-t-il.
Montrer l’exemple
S’il salue l’ambition du gouvernement Legault d’investir dans les serres pour l’autonomie alimentaire, il pense cependant que ce n’est pas la panacée.
«Pourquoi on ne donne pas des subventions pour des frigidaires, pour entreposer plus de légumes d’automne?», se demande-t-il.
«C’est bien beau, les serres, mais si tout le monde se met à faire des tomates, des piments et des concombres, à un moment donné, il n’y en aura plus de prix [acceptables]», lance Pascal Lecault.
D’après lui, l’État doit aussi se retrousser les manches pour acheter des aliments québécois chaque fois que c’est possible.
«Le gouvernement devrait regarder leurs propres achats qu’ils font dans les hôpitaux», conclut-il.
►La Stratégie nationale d’achat d’aliments québécois prévoit que, d’ici 2025, toutes les institutions publiques québécoises accordent leur préférence à des aliments d’ici dans leurs approvisionnements.