Craindre la catastrophe sur la glace

Félix Séguin, TVA Sports
Comme plusieurs d’entre vous, ce fut difficile pour moi de demeurer insensible au documentaire «Combats d’une vie» présenté à TVA Sports.
Dominic Ricard m’a aussi fait réfléchir lorsqu’il a déclaré qu’il regrettait d’avoir envoyé certains de ses joueurs se battre lorsqu’il était l’entraîneur-chef des Voltigeurs de Drummondville.
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Ricard reconnaît ses torts. Il dit avoir évolué lorsque vient de temps de parler des bagarres. Et il n’est pas le seul à avoir eu cette réflexion.
Je vais être transparent avec vous. Pendant très longtemps, j’ai aimé les bagarres au hockey. Pourquoi? Je ne le sais pas. Je n’avais aucune bonne raison. J’aimais ça. C’est tout.
Lorsque j’étais jeune, j’adorais les combats dans la LNH de Bob Probert, Tie Domi, Mario Roberge, John Kordic, Marty McSorley, Chris Nilan, Rob Ray et Donald Brashear.
À l’époque, j’assistais aussi à beaucoup de matchs de la Ligue junior majeur du Québec. J’ai vu notamment les combats de Matthew Barnaby, Peter Worrell ou encore Georges Laraque lorsqu’ils étaient d’âge junior. J’aimais les voir jeter les gants. Dans ma tête d’enfant ou d’adolescent, les durs à cuire donnaient un bon spectacle.
J’étais aussi au Centre Molson comme spectateur lorsque Dave Morissette a passé le K.-O. à Bob Probert. Comme le reste de la foule ce soir-là, j’étais hystérique.
Et quand j’ai commencé à décrire des matchs juniors à l’âge de 20 ans, il m’était impossible de cacher mon excitation lorsque deux joueurs jetaient les gants. Je décrivais le moment présent sans penser aux conséquences à court, moyen ou long terme pour ces bagarreurs qui se battaient soir après soir.
Je me souviens aussi d’être allé voir des matchs de la ligue semi-pro au Québec alors que les combats étaient la principale attraction. J’ai vu en action Joël Thériault, Jacques Dubé et Steve Bossé. Comme les autres spectateurs, j’attendais qu’ils se battent et je me suis levé de mon siège lorsqu’ils engageaient le combat.
Cet état d’esprit m’a aussi suivi lorsque j’ai commencé à décrire des matchs de la LNH, et ce, pendant quelques années. Qu’est-ce que vous voulez, j’aimais ça!
Et puis là, tranquillement sans le savoir, j’ai changé peu à peu. Sûrement sensibilisée par les nombreux reportages sur les blessures reliées aux coups à la tête, ma perception des combats s’est mise à changer.
Également, les décès des hommes forts Bob Probert, Derek Boogaard, Wade Belak et Todd Ewen ont poussé ma réflexion plus loin.
Je pense aussi que de devenir le père de trois enfants a sûrement aussi influencé ma façon de voir les combats. Bien que j’aie un énorme respect pour les durs à cuire, je ne souhaite pas que mon garçon se donne ce rôle s’il décide de percer au hockey.
Je suis d’accord avec ceux qui disent qu’il y a de moins en moins de bagarres. On n’en voit presque plus. Toutefois, lorsque j’ai à décrire un match et que deux joueurs jettent les gants, j’ai peur d’une chose. J’ai peur de décrire une mort en direct ou une grave blessure.
Les joueurs sont tellement gros, grands, forts et puissants que je ne peux m’empêcher de penser que le pire pourrait arriver un jour. Évidemment, je souhaite de tout cœur que cela n’arrive jamais.
Je sais très bien que ce n’est pas moi qui influencerai le débat sur l’abolition des bagarres ou non. Cependant, comme descripteur, le ton de ma voix peut jouer un rôle dans la perception des choses. Tant et aussi longtemps que les bagarres seront permises, je veux m’assurer d’être réfléchi lorsqu’un combat éclate devant mes yeux.
Moi aussi, j’ai évolué.