Crabe et homard «à éviter»: l’industrie est en colère

Hélène Fauteux | Agence QMI
La récente décision d’une organisation californienne de déclarer «à éviter» le crabe et le homard péchés dans le golfe du Saint-Laurent et sur la côte est américaine parce que les pratiques de pêche dans ces secteurs menaceraient toujours les baleines noires est très mal reçue par l'industrie.
Seafood Watch, un programme de surveillance des pêcheries de produits de la mer de l’aquarium de Monterey Bay, estime que les mesures de gestion actuelles de la pêche au crabe et de la pêche au homard dans le nord-est du continent ne vont pas assez loin pour atténuer les risques d'enchevêtrement et favoriser le rétablissement de la baleine noire.

Plusieurs gros acheteurs des produits visés, dont Hello Fresh et Blue Apron, appuient les recommandations de Seafood Watch, au grand dam des transformateurs et des pêcheurs.
Des deux côtés de la frontière il est reproché à Seafood Watch d’avoir pris une décision mal documentée qui ne tient pas compte des efforts et de la motivation de l’industrie à s’améliorer.
L’avocate qui les représente, Katherine Morissette, du cabinet MKM Global de Montréal, souligne qu’aucune mortalité de baleine associée à la pêcherie n’a été rapportée depuis cinq ans.

Les pêcheurs et transformateurs du crabe des neiges du Québec et du Nouveau-Brunswick sont notamment engagés dans une initiative d’amélioration de la pêcherie communément appelée FIP (Fishery Improvement Project), afin de favoriser une coexistence durable avec les mammifères en voie de disparition et ainsi récupérer la certification de pêche durable du Marine Stewardship Council (MSC) qu’ils ont perdue en 2018.
«Ça démontre que le comité scientifique de Seafood Watch n’a pas eu accès à l’ensemble des données disponibles, dit Me Morissette. Malgré une invitation de notre part en juin dernier, à aucun moment Seafood Watch n’a communiqué avec nous ou sollicité des données pertinentes à l’analyse. Ce sont des gens qui se trouvent dans des tours à bureaux et qui sont manifestement déconnectés du terrain.»
Même son de cloche dans le Maine, où les pêcheurs de homard ont entre autres retiré près de 50 000 kilomètres de cordages de l’eau pour prévenir l’empêtrement des baleines, et dont le dernier remonte à 2004, selon la station de télévision WCSH.

L’industrie du crabe des neiges du sud du Golfe entend se concerter avec l’industrie du homard de l’Est du Canada, également visée par la décote de Seafood Watch, afin d’obtenir une rétractation de la part de l’organisme.
«Il faut absolument régler le dossier avant le printemps prochain, affirme Jean-Paul Gagné, directeur général de l’Association québécoise de l’industrie de la pêche (AQIP). Il n’y a rien qui justifie qu’on mette le homard sur la liste rouge. La pêcherie est toujours sous certification MSC et jamais il n’y a eu d’interactions avec la baleine noire jusqu’à présent.»
Cela dit, Katherine Morissette relativise l’importance d’une organisation comme celle de l’aquarium de Monterey Bay.
«Il ne faudrait pas trop lui accorder d’importance, dit-elle. C’est un système d’évaluation parmi plusieurs autres. [...] Notre partenaire Sustainable Fisheries Partnership possède d’ailleurs un tel système de classification et qualifie publiquement, citation à l’appui, notre FIP comme un «success story».»
Me Morissette admet néanmoins que la décision de Seafood Watch peut faire très mal à l’industrie.