COVID-19: j'ai eu peur de perdre ma soeur

Josée Legault
Eh non. La Covid-19 n’est pas toujours comme un petit rhume. Elle peut encore tuer. Ou vous catapulter à l’hôpital. Derrière les statistiques, il y a du vrai monde. J’en sais quelque chose.
En mars, au milieu de la nuit, j’ai dû appeler une ambulance. Au lendemain du début d’un petit mal de gorge, ma sœur Manon peinait maintenant à respirer. Pour la première fois de nos vies, j’ai eu peur de la perdre.
Au-delà de sa déficience intellectuelle, elle était pourtant en forme et triplement vaccinée. Cette saloperie de virus, elle l’avait attrapée de moi. Malgré mes trois doses de vaccin. Mes deux ans d’extrême prudence et le port d’un masque N95 dans mes rares sorties.
Quelques jours avant, Omicron m’avait quand même frappée, comme tant d’autres. Comme je m’en remettais, j’ai cru que ma sœur s’en sortirait elle aussi facilement. Or, à la loterie de la COVID-19, tous ne gagnent pas le gros lot d’une guérison rapide.
Pour Manon, ce fut l’hospitalisation. Chambre isolée, à pression négative. Ma petite sœur, sous oxygène. Jour et nuit, un cocktail de médicaments visant à la rescaper.
Elle fut d’un courage exemplaire. La résilience porte son nom. Pour affronter la Covid à l’hôpital, ça prend vraiment tout un village. Médecins. Infirmières. Bénévoles. Physiothérapeutes. Orthophonistes. Inhalothérapeutes. Préposés aux bénéficiaires. Équipe de désinfection. Etc.
Puis, au-dessus des masques, des sourires dans les yeux. Pour soigner des humains, ça prend aussi de l’humanité. Merci à toute l’équipe. Ça prend aussi la présence attentive sur place d’un proche.
Ça prend l’appui de la famille. Petite ou grande. Proche ou éloignée. De bons amis. De bons voisins. De précieux conseils. Du soutien concret. À ceux et celles qui, pour Manon et moi, ont répondu présents, au bout du fil ou en personne, vous avez toute notre gratitude.
Toute notre gratitude
Nos sociétés et la pandémie fabriquent tellement de solitude qu’on n’ose plus se tourner vers les autres. On doit pourtant réapprendre à le faire. Parce qu’une hospitalisation pour la Covid, c’est terriblement difficile.
Au Québec, le système craque en plus de partout. C’est pourquoi on ne devra plus JAMAIS empêcher les proches aidants d’accompagner un être cher à l’urgence, à l’hôpital ou dans un CHSLD.
Avec Manon, j’ai passé de 12 à 14 heures par jour. Puisqu’elle a une déficience intellectuelle, les nuits, une préposée prenait ma relève. J’ai vu la bravoure de ma sœur et les liens qu’elle a su tisser avec le personnel.
De mon côté, je l’ai protégée, rassurée. J’ai aidé les préposées du mieux que j’ai pu. Aux soignants, j’ai posé toutes les questions imaginables. Pris des notes. Appris à surveiller les signes de séquelles possibles dans les prochains mois. La Covid est tout sauf un simple rhume.
La fois où il l’a fallu, j’ai revendiqué pour les droits de ma sœur. Poliment, mais clairement. Comme on devrait tous le faire pour soi-même et les siens.
Tout le temps, j’ai porté le N95 et les maudites blouses de protection – ces sarcophages en plastique aussi chauds qu’un fourneau. Le personnel, lui, les endure à temps plein depuis deux ans... Et après, on va se plaindre parce qu’il faut continuer à porter un masque à l’épicerie ? Soyons sérieux.
Mieux informés
Depuis son congé récent, Manon se remet lentement. J’ai toutefois gardé la peur au ventre. Y aura-t-il ou non des séquelles ou une réinfection ?
Dans une chambre d’hôpital, on a le temps de comprendre bien des choses. Que l’amour, c’est puissant, mais que la Covid s’en contrefiche. Que la pandémie n’est pas terminée.
Et surtout, que sans sa triple dose de vaccin, Manon ne serait peut-être plus de ce monde. En voyant le nombre d’hospitalisations grimper, on comprend aussi que d’avoir à « gérer son propre risque » ne tient pas la route.
Qu’au contraire, le déni et la confusion gagnent du terrain. C’est pourquoi de plus en plus de Québécois ont besoin d’être nettement mieux informés et guidés par la Santé publique et les autorités politiques.
Élection ou pas, ce n’est surtout pas le temps pour le gouvernement de disparaître du radar covidien.