Ingérence dans un cours sur la Palestine à Dawson: Pascale Déry dénoncée par des professeurs


Patrick Bellerose
La ministre Pascale Déry est vivement critiquée par les représentants des professeurs d’université pour avoir demandé d’éviter d’aborder la Palestine dans un cours au cégep Dawson.
La Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU) a dénoncé mercredi une «ingérence politique» de la part de la ministre de l’Enseignement supérieur.
La veille, Pascale Déry avait reconnu être intervenue dans le contenu d’un cours qui abordait la Palestine au cégep Dawson, en raison du contexte social «explosif» de l’automne dernier, avec des manifestations et des campements sur les campus.
Pour la FQPPU, cet événement «s’inscrit dans une suite d’actions arbitraires de la ministre, révélant un mépris récurrent pour la liberté académique».
En plus d’avoir réclamé une enquête sur le contenu d’un cours à Dawson, la ministre avait bloqué la nomination de la professeure Denise Helly, spécialiste de l’islamophobie, sur le conseil d’administration de l’Institut national de la recherche scientifique, l’an dernier.
La fédération dénonce également une «confusion troublante entre ses fonctions ministérielles et ses intérêts au sein d’une organisation de lobbying», en référence à ses liens passés avec le Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CIJA), dont elle a été membre du conseil d’administration de 2016 à 2022.
«À défaut d’un engagement clair à respecter l’autonomie des établissements et la liberté d’enseignement, la question de la capacité de Pascale Déry à continuer d’assumer ses fonctions se posera inévitablement», écrit la fédération dans un communiqué particulièrement dur envers la ministre.
Déry se défend
Hier, la ministre Déry a expliqué avoir agi en raison de plaintes d’étudiants dans le contexte tendu du conflit entre Israël et le Hamas. «Je suis effectivement intervenue sur le contenu d'un cours pour une simple et bonne raison : parce que le contexte était vraiment explosif, a-t-elle déclaré.
«Ce que j'ai demandé, c'est : pour éviter de jeter de l'huile sur le feu, est-ce que dans ce cours de français on aurait pu éviter de parler d'enjeux plus sensibles et plus clivants?», a-t-elle expliqué.
Mercredi, Mme Déry s’est faite avare de commentaires. «Je vais éviter de faire davantage de commentaires, parce que je pense que j’ai tout dit depuis hier», a-t-elle déclaré, tout en soulignant que l’enquête suit son cours.
Son collègue, Jean-François Roberge, l’a toutefois défendu sur la plateforme X.
«On ne veut pas importer des conflits internationaux ici, au Québec. Les cégeps doivent demeurer des lieux de vivre ensemble et d’intégration. Ma collègue @PascaleDery a raison de s’inquiéter et de demander des réponses», a écrit le ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration.
«Pente glissante»
En matinée, les partis d’opposition ont également fait part de leurs inquiétudes.
La ministre est sur une «pente glissante» qui risque de mener à une politisation du contenu des cours, estime le député solidaire Alexandre Leduc.
Son collègue libéral André Fortin, lui, rappelle que Mme Déry a elle-même fait adopter une loi pour protéger la liberté académique.
Quant au député péquiste Pascal Paradis, il s’inquiète de voir «une ministre de l'Enseignement supérieur qui va se mêler du contenu d'un cours particulier».
«Et c'est d'autant plus préoccupant que c'est à la suite d'interventions d'une organisation dont elle était elle-même membre du conseil d'administration précédemment», a-t-il déclaré.
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