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L'article provient de TVA Nouvelles
Société

«Coupes astronomiques» en éducation: le manque à gagner est estimé à près de 1 milliard $ dans le réseau scolaire

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Photo portrait de Daphnée  Dion-Viens

Daphnée Dion-Viens

2025-06-16T04:00:00Z
2025-06-16T17:50:51Z
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Les restrictions budgétaires annoncées en éducation la semaine dernière, d’abord chiffrées à 510 millions $, risquent d’être en réalité beaucoup plus élevées : le manque à gagner pourrait grimper à près d’un milliard $ selon des estimations provenant du réseau scolaire, a appris Le Journal. 

Selon nos informations, l’effort demandé pour chaque centre de services scolaire est si grand qu’il dépasse les coûts administratifs dans plusieurs organisations.

Concrètement, cela signifie que l’abolition de tous les postes au centre administratif d’un centre de service ne serait même pas suffisante pour se plier aux «mesures d’économies» exigées par Québec.

C’est notamment le cas au centre de services scolaire des Rives-du-Saguenay. L’effort budgétaire exigé par Québec représente 14 millions $, alors que la fermeture complète du centre administratif et l’abolition de tous les emplois qui s’y trouvent permettrait d’économiser seulement 9 millions $, a illustré sa directrice générale, Chantale Cyr, sur les ondes du 95,7 FM lundi matin.

Ce scénario est d’ailleurs tout à fait irréaliste puisque la gestion des services comme le transport scolaire, l’entretien des écoles et les ressources humaines doivent être assurés par le centre administratif, explique-t-on.

Résultat : les compressions qui devront être faites par les centres de services toucheront directement les écoles et les élèves.

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«C’est impossible d’atteindre la cible demandée sans toucher les services aux élèves», affirme Dominique Robert, président-directeur général de la Fédération des centres de services scolaires, qui parle de «compressions majeures, avec des conséquences majeures».

De son côté, l’Association des commissions scolaires anglophones a dénoncé des «coupes astronomiques» en fin de journée vendredi.

Les coûts administratifs dans les centres de services scolaires se situent à environ 5%, soit un des plus bas taux parmi les organismes publics.

Un manque à gagner estimé à près d’un milliard $

Les règles budgétaires transmises au réseau scolaire jeudi comprennent une «mesure générale pour l’atteinte de l’équilibre budgétaire», qui correspond à 510 millions $ à l’échelle provinciale.

On y retrouve aussi une «mesure générale pour l’optimisation des effectifs», qui vise à limiter la croissance du nombre d’employés dans le réseau scolaire, dont l’impact à l’échelle provinciale n’a pas été chiffré.

Une cible a toutefois été transmise pour chacun des centres de services scolaires (voir exemple plus bas).

Cette deuxième mesure représenterait un manque à gagner d’au moins 400 millions $, selon des estimations faites par des centres de services basées sur leur poids relatif par rapport à l’ensemble du réseau, rapportent nos sources.

À la Fédération des centres de services scolaires, on indique toutefois qu’il est encore trop tôt pour confirmer ces chiffres, «qui se basent sur des hypothèses».

«Mais quand on regarde le chiffre colossal qui a été envoyé aux centres de services scolaires, il semble que le montant soit supérieur aux 510 millions», affirme M. Robert.

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Au cabinet du ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, on réitère que cet effort budgétaire est nécessaire, après l’augmentation «très importante» des services survenue au cours des dernières années. «On ne peut plus continuer à ce rythme, on doit se donner des cibles, c’est une question de bonne gestion», affirme son attaché de presse, Antoine de la Durantaye.

«Il n’est pas question de coupures, mais plutôt d’une croissance moins élevée que par le passé», ajoute-t-il (voir détails plus bas).

Les règles budgétaires présentées jeudi au réseau scolaire ont été soumises à une très courte période de consultation, qui a pris fin vendredi en fin de journée.

Il ne s’agit donc pas encore de documents officiels. Des discussions se poursuivront cette semaine entre le réseau scolaire et le ministère de l’Éducation, indique-t-on.

Restrictions budgétaires: l’exemple du centre de services scolaire des Laurentides

L’effort budgétaire de 510 millions $ exigé à l’échelle provinciale pour le réseau scolaire représente 4,4 millions $ pour le centre de services des Laurentides.

Or en tenant compte d’autres mesures aussi comprises dans les règles budgétaires pour l’année 2025-2026, qui comprennent «des sommes retirées» du budget global et «des enveloppes non bonifiées dans un contexte d’inflation», la direction estime «l’impact réel» des restrictions budgétaires à «près de 10 millions $», peut-on lire dans un courriel transmis aux membres du personnel vendredi.

«Il s’agit d’une situation sans précédent, affirme la direction. Tout sera mis en œuvre pour amoindrir les effets de ses coupes sur les services directs aux élèves. Néanmoins, certains services pourraient être réduits, réorganisés, voire abolis dans certains cas.»

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Des compressions ou des «mesures d’économie»? «On joue sur les mots», selon le réseau scolaire

Québec affirme que des «mesures d’économie» sont imposées au réseau scolaire afin de s’assurer que les sommes annoncées dans le dernier budget provincial soient respectées. Les centres de services affirment toutefois qu’il s’agit bel et bien de «compressions». Qui dit vrai?

Selon le cabinet du ministre, Bernard Drainville, il ne s’agit pas de coupes puisque le budget global consacré à l’éducation augmente de 1,1 milliard $ cette année, comparé à l’année précédente.

Dans le réseau scolaire, on explique toutefois que les sommes octroyées sont inférieures à ce que les centres de services s’attendaient à recevoir en fonction des règles et paramètres fixés par le ministère de l’Éducation, basés notamment sur la hausse du nombre d’élèves, l'augmentation des salaires, l’inflation, etc.

Dans les règles budgétaires, le ministère calcule combien l’organisation devrait recevoir, en fonction de plusieurs critères bien précis, ce qui permet d’établir le budget global par organisation pour chaque année scolaire.

Pour l’année 2025-2026, le ministère a toutefois ajouté une «mesure générale pour l’atteinte de l’équilibre budgétaire», qui se traduit par des sommes qui doivent être soustraites du budget global, comme c’était aussi le cas en 2024-2025.

Dans le réseau scolaire, on considère qu’il s’agit d’une réduction des sommes par rapport à ce qui est nécessaire pour couvrir tous les coûts, ce qui fait dire à plusieurs que Québec «joue sur les mots» en affirmant qu’il n’y a pas de compressions en éducation.

En chiffre absolu, les mesures imposées pour l’atteinte de l’équilibre budgétaire pour l’année 2025-2026 sont même supérieures à celles imposées par le précédent gouvernement libéral pour la période de 2011 à 2016, indique-t-on dans le réseau scolaire.

À ces mesures s’ajoute pour la prochaine année la cible de nombre de postes à ne pas dépasser, qui avait été transmise au réseau scolaire en avril. Le nombre de postes ne devra pas dépasser une hausse de 1,7 % en 2025-2026, soit une augmentation moins grande que celle de 5% en moyenne pour les années précédentes.

«Évidemment, une croissance plus modeste exige des choix, on est conscient que c’est une période de transition, mais nous avons pleinement confiance en nos équipes-écoles pour préserver les services directs aux élèves», affirme le cabinet du ministre.

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