Coupable de contacts sexuels sur une ado... qui est devenue sa femme et la mère de ses enfants

Pierre-Paul Biron | Journal de Québec
Un homme de Québec, sourd de naissance, s’est avoué coupable de contacts sexuels sur une adolescente qui est devenue sa conjointe et la mère de ses enfants dans une relation qui a débuté alors que lui avait 28 ans et que la femme n’en avait que 12. La couronne réclame une lourde peine de six années de détention tandis que la défense plaide une peine dans la collectivité.
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L’histoire a tout d’un tragique drame qui aura déchiré une famille.
Maryse (nom fictif), elle aussi atteinte de surdité congénitale, fait la connaissance de l’accusé alors qu’elle entrait à l’adolescence. Malgré une grande différence d’âge de 16 ans et le fait qu’elle n’est qu’une enfant, une relation débute entre les deux dans les mois suivants leur rencontre dans un regroupement pour personnes sourdes de Québec.
Cette liaison a mené jusqu’à un mariage quelques temps après le 18e anniversaire de la femme. Des enfants sont également nés de cette relation qui aura duré 20 ans.
C’est après une séparation et après avoir entrepris un suivi thérapeutique que Maryse réalise que quelque chose ne tournait pas rond. Au tribunal, elle a témoigné qu’on lui avait volé «une partie de sa sexualité», de sa vie, elle qui a été diagnostiquée d’un syndrome de stress post-traumatique découlant de son vécu difficile.
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Relation complète à 13 ans
C’est que son conjoint a exercé selon elle un certain contrôle dès les débuts de leur relation. D’abord amicaux, leurs rapports sont rapidement devenus plus intimes avec des accolades et des baisers quand l’adolescente avait 13 ans.
C’est «vers la fin de ses 13 ans» qu’une première relation sexuelle complète survient chez les parents de l’accusé, avec qui il habitait toujours. Ensuite, une règle de «trois relations sexuelles par semaine» a été instaurée par l’accusé, la victime ayant confié devoir s’y soumettre à défaut de quoi elle devait «au moins» le masturber.
Et l’homme a longtemps insisté pour que leur relation reste secrète, martelant qu’ils ne pouvaient «s’embrasser ou se tenir la main en public». Dans son témoignage, la victime a relaté une discussion alors qu’elle avait 17 ans et qu’elle n’en pouvait plus de vivre dans le secret, admettant être amoureuse.
«Elle voulait que le monde le sache, mais lui a admis avoir refusé pour éviter les commérages», a exposé le procureur de la couronne Me Michel Bérubé jeudi, cherchant à démontrer que l’homme savait que ces comportements étaient inappropriés et surtout, illégaux.
«Quand on lui demande si à 28 ans, il savait que c’était illégal d’avoir des relations avec une enfant de 6 ou 9 ans, il dit que c’est évident. Mais quand on pose la question pour sa situation avec une jeune de 12 ou 13 ans, il répond seulement qu’elle était mature pour son âge», a mentionné l’avocat lors des représentations sur la peine.
Large écart sur la peine
Même si elle est restée dans cette relation jusqu’à l’âge de 32 ans, Me Bérubé a insisté que rien ne changeait le fait que son consentement était complètement vicié sur la période d’infraction allant de ses 12 ans jusqu’à son 18e anniversaire en raison du contrôle exercé par l’accusé.
«Cette situation de confiance a laissé la plaignante ignorante de sa situation pendant suffisamment de temps pour voir naitre des enfants de sa relation avec l’agresseur», a insisté le procureur pour justifier la peine de six ans d’emprisonnement demandée.
La défense a suggéré au juge Mario Tremblay une peine de deux ans moins un jour purgés dans la collectivité en plus de 240 heures de travaux communautaires. Me Jean-Félix Charbonneau a argué que la cour devait prendre en compte les difficultés qu’a causé la condition de monsieur dans toutes les sphères de sa vie. Notamment le fait que ses parents ne parlaient pas la langue des signes et que ça ait pu «retarder son développement», qualifiant l’homme «d’immature» au moment des faits.
«Monsieur est sourd de naissance. [...] Nul ne peut ignorer la loi, mais encore faut-il être en mesure de la connaître et la comprendre. Parfois il faut adapter la punition en fonction de ces éléments, surtout qu'il s’est lui-même reconnu coupable», a souligné l’avocat de la défense, précisant que la prison ferme pour l'accusé serait «l’isolement au sens le plus strict du terme».
«Je trouve ça triste pour la victime d’entendre ça. Ça revient à dire que parce que son agresseur est sourd, c’est moins pire», a répliqué Me Bérubé.
Cas unique
Les deux parties ont convenu que l’affaire était peu commune par son implication d’un accusé et d’une victime sourds tous les deux, mais au surplus d’un accusé et d’une victime qui ont été en couple durant plusieurs années après la période d’infraction.
«C’est plus qu’un cas d’espèce, on parle peut-être même d’un cas unique», a répondu le juge Mario Tremblay aux deux avocats qui lui mentionnaient n’avoir à peu près rien trouvé dans leur recherche de jurisprudence.
Le juge Tremblay a pris la cause en délibéré, invitant les parties à se présenter devant lui à la fin mai pour fixer une date de détermination de la peine.
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