Costumes d’infirmière sexy: tout va bien...

Joseph Facal
Avez-vous parfois l’impression que notre civilisation s’écroule?
Que nous filons vers la catastrophe climatique?
Que notre système d’éducation produit des diplômés incultes et analphabètes?
Que Montréal fait penser à une ville sinistrée?
Qu’elle devient de plus en plus violente?
Priorité
Vous avez tort. Vous avez raté des épisodes importants.
Vous deviez être occupé. Je vous pardonne.
Tout va de mieux en mieux.
Et c’est justement lorsque de gros problèmes sont en voie de se régler que l’on peut se donner des nouveaux objectifs ambitieux, aller plus loin, faire mieux.
Prenez notre système de santé.
Vous pensez que les urgences débordent, qu’il est difficile de trouver un médecin de famille, que les temps d’attente pour une chirurgie sont longs, que le personnel est épuisé?
C’était peut-être vrai jadis, mais plus maintenant.
Entre la dernière fois où vous avez pensé cela et aujourd’hui, tous ces problèmes sont largement disparus.
Et c’est justement ce qui permet à des organismes du milieu de la santé, comme je le disais plus haut, de se donner de nouveaux objectifs exaltants.
Prenez l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ).
On ne se repose pas sur ses lauriers à l’OIIQ.
Ça va tellement mieux pour la profession d’infirmière que l’Ordre peut ouvrir de nouveaux chantiers.
À la veille de l’Halloween, l’OIIQ lance une campagne contre les costumes d’infirmière sexy, qui seraient «dégradants».
On a le sens de l’humour à l’OIIQ. On a les priorités aux bons endroits.
Le président de l’OIIQ explique que ces costumes nuisent à «la reconnaissance de la compétence des infirmières».
Il veut que les infirmières soient, dans nos esprits, associées «à une profession scientifique et à des compétences en matière de santé».
Oui, car voyez-vous, le patient entubé et souffrant est tellement perturbé par les sédatifs qu’il pourrait croire que l’infirmière est peut-être là, tout près de lui, pour... hmm... je vous laisse imaginer.
Le patient pourrait ne pas avoir compris que des costumes pour s’amuser ne sont... que des costumes pour s’amuser.
Il pourrait perdre le contrôle d’une de ses mains, peut-être des deux.
À l’Halloween, il faudrait plutôt, selon le président de l’OIIQ, si on veut se déguiser en infirmière, mettre un «vrai costume».
Il faudrait avoir l’allure de l’infirmière Ratched dans Vol au-dessus d’un nid de coucous, le genre gardienne de camp de concentration.
- Écoutez Joseph Facal avec Richard Martineau à QUB radio :
Progrès
Rêvons un peu maintenant.
Imaginez que la lumineuse initiative de l’Ordre des infirmières et infirmiers donne des idées aux policiers, aux pompiers, etc.
Finis les calendriers sexy! Quel progrès ce serait!
Le public cheminerait et comprendrait (enfin!) que le vrai travail des pompiers et des policiers, c’est de combattre les incendies et de faire respecter la loi.
Je vous le redis: vous avez tort de tout voir en noir.
Une société qui traque les mots et les costumes d’Halloween est une société qui n’a rien de plus urgent à faire.
Ça doit vouloir dire que tout va bien, non?