Voyage dans l'Amérique polarisée de Donald Trump, dans un essai sur les États-Unis signé Frédéric Arnould
Marie-France Bornais
Tout juste après l’entrée au pouvoir du président américain Donald Trump, le journaliste Frédéric Arnould dresse un portrait saisissant d’une nation polarisée dans son nouveau livre, C’est aussi ça, l’Amérique. Que se passe-t-il chez nos voisins du Sud? L’auteur a sillonné les États-Unis et interviewé des Américains de toutes convictions politiques pour essayer de trouver des pistes de réponse. Ce qu’il présente dans son livre est éclairant, frappant... et profondément humain.
Le correspondant de Radio-Canada à Washington, un expert en politique américaine, a discuté d’économie, de gouvernement, de religion, de patriotisme, d’avortement, d’armes à feu, d’information et de désinformation avec des gens rencontrés un peu partout aux États-Unis.
«J’ai toujours été fasciné par les États-Unis. C’est un peu un rêve américain d’y aboutir un jour comme correspondant», explique-t-il en entrevue.
«J’ai couvert les États-Unis in and out depuis 2001. Chaque fois que mes patrons m’y envoyaient en remplacement, à Noël ou pendant les vacances d’été, j’étais toujours heureux d’y aller. Je me suis bâti une espèce de petit bagage politique et social de ce pays-là. Quand j’ai eu le poste en 2021, je me suis dit: ça y est, je vais pouvoir enfin vivre pleinement cette expérience.»
Un topo à San Diego...
La genèse du livre, en tout cas du titre, remonte à un topo qu’il a fait en 2006, lors de l’évacuation massive de San Diego, en Californie, pour les feux de forêt.
«Il y avait eu 500 000 personnes évacuées, et j’étais allé faire un reportage sur le terrain. Le stade de football avait été reconverti en énorme refuge, avec des lits de camp de fortune. Des centaines de personnes dormaient là, la nuit, et j’avais trouvé ça fascinant de voir cette espèce de solidarité. J’avais terminé le reportage en disant “c’est aussi ça, l’Amérique”.»
Essayer de comprendre
Depuis, Frédéric Arnould a envie de faire un documentaire et s’est dit que cette année, avant les élections, c’était le temps ou jamais de se lancer. «Je voulais faire plein de rencontres sur le terrain, en 2024. La majorité du livre est écrite à partir de témoignages de 2024.»
«Je voulais essayer d’apporter la petite pièce à l’édifice, de faire comprendre un peu aux gens qui trouvent que les Américains sont tous des fous, des illuminés, etc., que oui, peut-être, il y en a certains. Mais en même temps, pourquoi ils sont comme ça? Pourquoi c’est devenu intenable? Pourquoi on ne peut plus se parler? Pourquoi des familles n’ont même plus de Thanksgiving ensemble?»
Il voulait explorer des sujets qui sont peut-être un peu rébarbatifs, comme le collège électoral, à travers des gens qu’il a rencontrés et qui ont été, ajoute-t-il, «suffisamment généreux pour [lui] livrer leur pensée».
Polarisation
Comment voit-il ce qui se passe, maintenant que Trump est entré au pouvoir? «Les 20 dernières années, on a vraiment vu un changement progressif au niveau de cette polarisation. Le meilleur exemple que je donne, c’est cette histoire de stade rempli de gens lors des feux.»
«J’ai eu le privilège de retourner en Californie lors des feux, il y a deux semaines, après que le livre ait été écrit, et j’ai pu constater à quel point tout a changé. Les réseaux sociaux ont changé toute l’ambiance.»
Il a observé une ambiance «étrange, vraiment radicalisée». «C’est ceux qui crient le plus fort qui font véhiculer leurs idées, qui mobilisent les gens. Leurs messages se retrouvent un peu partout, et les gens suivent ça, autant à gauche qu’à droite d’ailleurs. Et au centre, il y a une espèce de bloc monolithique d’Américains moyens – Average Joe – qui ne sait pas trop quoi faire et qui ne se reconnaît pas vraiment là-dedans.»
C’est aussi ça, l’Amérique
Frédéric Arnould
Québec Amérique
288 pages
- Frédéric Arnould est journaliste, présentateur, vulgarisateur à la télévision et à la radio de Radio-Canada depuis plus de 25 ans.
- Il a parcouru la planète pour y exercer son métier de reporter.
- Sa soif de découvrir et de partager l’a conduit de Guantanamo à l’Afghanistan, en passant par l’Europe, l’Asie et les États-Unis, où il est correspondant à Washington pour la société d’État.
«Portant une casquette vissée sur des cheveux très courts et une chemise à carreaux, le jeune trentenaire déplore que son coin de pays, à 300 kilomètres et des poussières à l’est de Salem, capitale et centre politique de l’Oregon, ne soit pas mieux représenté politiquement en fonction de ses revendications et de ses besoins. C’est en effet dans l’ouest de l’État, sur le versant occidental de la chaîne montagneuse des Cascades, que la majorité de ses 4,2 millions d’habitants vivent.
Là se trouvent les villes à forte densité comme Portland, Salem et Eugene, qui, ces dernières années, ont voté largement en faveur des démocrates.»
–Frédéric Arnould, C’est aussi ça, l’Amérique, Québec Amérique
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