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Culture

Corneille renonce à sa carrière de chanteur

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Samuel Pradier

2025-06-05T10:00:00Z
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Dans son nouveau livre, intitulé La mélodie du pardon, Corneille revient sur la tragédie qui lui a enlevé sa famille, il y a plus de 30 ans. Il analyse les expériences qui lui ont permis de reconstruire sa vie, en plus d'y partager ses réflexions sur l’humain, l’humanité et le pardon. Il explique aussi pourquoi sa carrière d’auteur-compositeur-interprète est maintenant derrière lui.

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La mélodie du pardon n’est pas une autobiographie linéaire. Il s'agirait plutôt d'un recueil de pensées et de réflexions d’un homme qui a vécu des drames et qui se demande à quoi ils ont servi, pourquoi ils sont arrivés et ce qu’il faut en tirer.

Mais il y a d’abord une phrase que les admirateurs du chanteur vont retenir et qu'on peut lire à la page 129: «Je renonce à ma carrière de chanteur.» En entrevue, il explique: «J'ai toujours dit qu'à 50 ans, j'arrêtais. Je suis rendu à 48 ans, et je suis donc à deux ans de l'âge de ma retraite. Je pense que personne n'a besoin d'un nouvel album de Corneille, ce n’est pas quelque chose de primordial ou de nécessaire dans le paysage de la chanson francophone. Par contre, là où je me sens utile et où je pense que je peux contribuer, c'est dans le fait de mettre mon expérience accumulée depuis plus de 20 ans au service de la relève. C’est dans ce travail de transmission que je me sens utile aujourd’hui.»

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Ce travail est aussi plus compatible, selon lui, avec une vie de famille plus équilibrée. «Je me rends également compte, avec l’âge, que je suis moins fait pour une vie de tournée, pour la vie publique dans le milieu de la musique. Il y a quelque chose dans le vedettariat de la chanson qui fait qu’on est toujours en représentation, qu’on est toujours dans la performance. J’estime en avoir assez fait et j’ai envie de prêter mes compétences à d’autres exercices, comme présenter des conférences sur le vivre ensemble ou sur la résilience, par exemple.»

Corneille, qui a ouvert sa propre maison de disques il y a quelques années, continuera bien entendu à soutenir de jeunes artistes dans leur début de carrière. «Je pense que mon activité d’auteur-compositeur-interprète s’achève, c’est comme ça que je le sens.»

LA LOURDEUR DE LA POPULARITÉ

Dans son livre, il revient également sur le fait que, même si beaucoup en rêvent, la popularité est parfois quelque chose de difficile à vivre. «C’est doublement lourd, c’est-à-dire que c’est lourd à vivre, mais ce qui est encore plus lourd, c’est que tu ne peux pas le dire, tu ne peux pas te plaindre. Depuis l’industrialisation du cinéma et surtout de la musique, l’idée d’être connu de tous a été tellement romancée qu’on ne peut pas dire ce genre de chose. On a la vocation de faire rêver, et on ne peut pas le faire en se plaignant que c’est difficile à vivre.»

La célébrité est, selon lui, une cage qui emprisonne, et ce, même si elle amène aussi de belles choses. «C’est ce qui rend la chose encore plus compliquée, parce que ce qui fait qu’on est capable de vivre de ce métier, c’est aussi la notoriété. J’avais aussi envie d’en parler, car, avec les réseaux sociaux, il y a une notoriété qui est accessible à tout le monde, et beaucoup la recherchent aussi parce qu’elle est monétisable. Ce n’est plus réservé à une élite; tout le monde peut y arriver, tout dépend de combien de publications tu es prêt à faire sur tes réseaux sociaux.»

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DES QUESTIONNEMENTS EXISTENTIELS

Pour Corneille, La mélodie du pardon est l’occasion d’aborder des questions philosophiques, sur l’humain, par exemple. «Chaque chapitre traite d'une thématique et, au centre de ces thèmes, il y a une valeur ou quelque chose qu'on considère dans nos sociétés comme une qualité, une vertu. J'observe actuellement une espèce de fatigue mentale et psychologique collective. Je sens qu’on est tous, à des degrés différents, très fatigués, non seulement d'avoir été, depuis des décennies, dans la performance, mais aussi de constater que la vie est certainement plus que ça.»

L’homme semble aussi, selon lui, dans une période de justification de son humanité. «Je trouve qu’être humain, de nos jours, c’est compliqué, parce que la barre est beaucoup trop haute, parce qu’on s’est fait croire que nos qualités sont naturelles au départ. Par exemple, si on n’est pas assez généreux, on va se trouver moralement disqualifiable, même chose si on ne performe pas assez. Je pense que l’humain devrait se donner un break. Tout le monde fait ce qu'il peut au maximum de ses capacités. On devrait se rappeler qu'on est d'abord et avant tout des êtres humains qui viennent au monde, la peur au ventre, en espérant s'en sortir face à une nature qui est beaucoup plus immense que nous.»

LA QUESTION DE LA COULEUR

Au fil des pages, Corneille aborde la question de la couleur de la peau en disant notamment qu’on ne naît pas noir, qu'on le devient... «Comme je l’écris, chaque fois que j'entre dans une pièce, je compte combien il y a de noirs.»

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Il pense ainsi que l’Amérique a exporté sa façon de voir la personne noire dans le reste du monde. «Aujourd’hui, la grande majorité des noirs dans le monde se voient comme les noirs américains se voient eux-mêmes. On a importé ces traumas liés à l’esclavage. Les afro-américains portent en eux un des pires traumas, lié au fait d’avoir des ancêtres qui ont été arrachés à leur pays contre leur gré, qui ont été abusés, maltraités, violentés, et tout ce qu’on peut imaginer, pour finalement contribuer à la plus grande puissance économique, politique et militaire au monde, sans jamais recevoir leur dû. Chaque personne noire porte un peu de cette grande injustice.»

Il revient d’ailleurs sur l’emploi du mot «noir», qui n’est pas anodin, puisqu’il fait référence au sombre, au mal, à quelque chose d’épeurant. «Ce qu'il faut comprendre, c'est que l’idée de catégoriser les êtres humains en différentes espèces précède l'esclavage. On n'a pas rendu les noirs d'Afrique esclaves et ensuite imaginé le racisme. En fait, le racisme a été inventé pour justifier l'exploitation de ces peuples-là, et le lexique choisi n’est pas dû au hasard. Quand tu déshumanises l'autre, ça devient plus facile d’expliquer à ta gang pourquoi tu les exploites et leur infliges autant de violences.»

L’AMOUR EN HÉRITAGE

L’auteur ne fait pas qu’exposer sa pensée et développer ses arguments, il propose aussi des solutions. Une des principales, et qu’il faut retenir, tient en une phrase qui pourrait rabibocher l’humanité: «Croyez les autres quand ils vous parlent d’eux.»

«Si tout le monde se mettait dans une disposition d'écoute et se demandait: “Et si ce qu’il me dit était vrai? Partons de ce principe et voyons où ça nous mène”, je pense qu’on se rendrait vite compte que c’est la base de l’échange dans la communication. C’est vrai sur le plan intime, dans un couple, mais aussi dans des groupes.»

Pour vous procurer La mélodie du pardon de Corneille: 

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