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L'article provient de Le Journal de Montréal
Justice et faits divers

«Convoi de la liberté»: Ottawa savait que le blocus allait durer longtemps

Les hôteliers avaient prévenu que des chambres étaient réservées pour 90 jours

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Photo portrait de Anne Caroline Desplanques

Anne Caroline Desplanques

2022-10-17T18:11:42Z
2022-10-18T00:41:22Z
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Le maire d’Ottawa et la police municipale ont été prévenus quelques jours avant le début du blocus de la capitale fédérale, en janvier, que les manifestants n’étaient pas près de disparaître.

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La commission d’enquête sur la Loi sur les mesures d’urgence a repris lundi avec le témoignage du directeur général de la Ville d’Ottawa, Steve Kanellakos.

Du 28 janvier au 20 février dernier, des camionneurs ont bloqué la rue Wellington devant le Parlement à Ottawa.
Du 28 janvier au 20 février dernier, des camionneurs ont bloqué la rue Wellington devant le Parlement à Ottawa. Photo Agence QMI, Joêl Lemay

Son interrogatoire a été marqué par la lecture d’un courriel troublant envoyé quatre jours avant l’arrivée des premiers camions au cabinet du maire Jim Watson, puis transmis à la police municipale.

Le courriel a été envoyé le 25 janvier par le président de l’Association des hôtels d’Ottawa Gatineau, Steve Ball.

Le représentant des hôteliers y expliquait qu’un représentant de Canada United Truckers Convoy avait fait des démarches pour réserver des chambres d’hôtel de 30 à 90 jours dans la capitale.

«Il a en fait livré leur plan qui est de laisser les camions sur place, de les enchaîner et de tenter de bloquer tous les accès de la ville», écrivait M. Ball, faisant référence à ses échanges avec un organisateur du convoi.

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C’est exactement ce qui s’est déroulé à partir du 28 janvier, date à laquelle les premiers camions partis des quatre coins du pays sont arrivés dans la capitale fédérale avec de quoi financer l’occupation : une cagnotte de 6 millions $ ramassée au vu et au su de tous sur la plateforme GoFundMe.

Photo d'archives, Érika Aubin
Photo d'archives, Érika Aubin

La Ville n’écoute pas

«Quel est le niveau de préparation pour répondre à ça si ça devait durer des semaines ou des mois?» questionnait M. Ball dans son courriel, indiquant s’attendre à voir débarquer entre 10 000 et 15 000 manifestants.

Malgré ces informations, M. Kanellakos a déclaré que la Ville et la police municipale étaient convaincues que les manifestants remballeraient leurs pénates après une fin de semaine.

Et dix jours après le début de l’occupation, elles n’avaient toujours pas de plan d’action, comptant uniquement sur la collaboration des manifestants, a témoigné le chef de cabinet du maire Jim Watson, Serge Arpin.

Ceux-ci sont ainsi restés plus de trois semaines, soit jusqu’au 20 février, peu après que le gouvernement fédéral eut invoqué la Loi sur les mesures d’urgence pour les déloger.

Chaos généralisé

À mesure que le chaos se prolongeait dans les rues, le conseil municipal implosait et la police locale et la GRC rompaient toute communication, incapables même de se mettre d’accord sur le nombre exact d’agents en service sur le terrain, a dit M. Kanellakos.

Le chaos était tel que, le 12 février, le conseil municipal a envisagé de demander aux Forces armées canadiennes de prêter main-forte aux pouvoirs civils, a-t-on appris lundi via un échange de messages texte déposé en preuve à la commission.

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Finalement, deux jours plus tard, le 14 février, le fédéral invoquait la Loi sur les mesures d’urgence, refusant d’envoyer des militaires dans les rues. Le lendemain, le chef de la police d’Ottawa, Peter Sloly, démissionnait. 

La commission d’enquête doit déterminer si le recours à la Loi sur les mesures d’urgence était justifié. Pour le maire d’Ottawa, Jim Watson, qui avait perdu confiance en sa propre police, sans cette mesure extrême le chaos aurait pu perdurer plusieurs semaines encore, a dit M. Arpin. 

Le premier ministre de l’Ontario solidaire de Trudeau 

Le gouvernement Trudeau a reçu lundi un appui remarqué en faveur du recours à la Loi des mesures d’urgence : celui du premier ministre progressiste-conservateur de l’Ontario, Doug Ford.

M. Ford était de passage à Ottawa pour une annonce aux côtés de Justin Trudeau, alors même que la commission d’enquête qui examine le recours à cette loi ouvrait son troisième jour d’audience. 

Il a témoigné à son homologue libéral sa solidarité.

«Nous avons travaillé en collaboration avec le maire et le premier ministre, a-t-il déclaré. Aux frontières, ils tenaient en otage des milliards de dollars de commerce tous les jours. Nous recevions des appels de gouverneurs [américains]. C’est inacceptable», a déclaré M. Ford.

La police pas d’accord

Contrairement à Justin Trudeau, Doug Ford ne figure pas sur la liste des témoins qui seront interrogés par la commission. Ni lui ni aucun membre de son gouvernement n’ont été invités.

Son appui à la Loi sur les mesures d’urgence contraste avec l’avis de la Police provinciale de l’Ontario, qui a déclaré, la semaine dernière, que les pouvoirs que donnait cette loi n’étaient pas nécessaires pour mettre un terme au blocus tant à Ottawa que sur le pont Ambassador.

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Le blocus de ce pont stratégique entre l’Ontario et les États-Unis a débuté dix jours après celui d’Ottawa, le 7 février.

Avant cela, le gouvernement Ford estimait que le convoi était un problème policier et que les services de police avaient des pouvoirs suffisants pour le résoudre, a dit le directeur général de la Ville d’Ottawa, Steve Kanellakos, devant la commission, lundi.

Dissension dans le cabinet

Certains membres du gouvernement Ford étaient sympathiques aux manifestants, a suggéré l’avocat Paul Champ lundi, devant la commission. 

Me Champ représente une coalition de citoyens et de commerçants à Ottawa.

L’ex-chef de cabinet de Doug Ford lui-même, Dean French, était même un partisan des manifestants et il s’est à ce titre offert pour jouer le rôle d’intermédiaire entre eux et le maire d’Ottawa, Jim Watson.

Il a tenté de les convaincre sans succès de quitter les zones résidentielles, a témoigné le chef de cabinet du maire Jim Watson, Serge Arpin. 

M. French n’était plus au service de M. Ford à ce stade. Il a démissionné à l’été 2019.

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